FULL HOUSE : QUAND LA COMÉDIE RENCONTRE LA PÉDAGOGIE

FULL HOUSE!

Des amis qui vivent ensemble, partagent des rires et des larmes ; un jeune séducteur artiste, un homme connu pour son humour et ses blagues quotidiennes, et un adulte responsable, parfois strict mais au grand cœur. Et non… je ne vais pas vous parler de Friends, mais plutôt de la fabuleuse série : Full House. 

« How Rude ». Telle était la réaction des plus grands fans de la série Full House quand elle a quitté la plateforme Netflix. Cette série, vieille, car doyenne des sitcoms (1987-1995), mais aussi jeune, car en résonnance avec les enjeux sociaux actuels, se présente comme une série humoristique et familiale. Composée de personnages attachants, avec des répliques cultes (tel que « how rude » de Stéphanie Tanner, ou encore « You git it Dude », « Have mercy », etc.), cette série a marqué la génération de nos parents, mais peut-être vous aussi, si vous avez pris le temps de voyager dans l’univers familial et chaleureux d’un foyer initialement meurtri par une tragédie, et apprenant progressivement  à se reconstruire.

GENÈSE DE LA SÉRIE 

Full House est une sitcom célèbre pour son ambiance familiale, heureuse et chaleureuse. Pourtant, elle débute sur une note tragique : Danny Tanner, l’un des personnages principaux, vient de perdre sa femme Pam dans un accident de voiture. Ses trois filles deviennent ainsi orphelines d’une mère. Face à ce drame, le meilleur ami de Danny, Joey, et son beau-frère Jesse emménagent dans la maison familiale pour soutenir ce jeune veuf dans l’éducation de ses filles, pour les premiers mois.

Joey, un humoriste en herbe qui peine à faire reconnaître son talent en dehors de son entourage, incarne l’Arlequin de la famille : un personnage un peu maladroit, toujours joyeux, bon vivant et généreux. Quant à Jesse, l’oncle séducteur, il est une figure hybride dans la série. Musicien passionné et fervent admirateur d’Elvis Presley, il passe rapidement du rôle de jeune célibataire dragueur à celui de l’amoureux attentionné et de l’éducateur bienveillant, offrant aux filles une figure paternelle affectueuse et à l’écoute. Danny, le père biologique et présentateur de l’émission télévisée « Wake Up San Francisco », incarne une parentalité plus responsable et ordonnée. Malgré son côté perfectionniste, il est profondément aimant, dévoué et toujours disponible pour ses filles.

Ces dernières, âgées de quelques mois à 10 ans au début de la série, possèdent chacune une personnalité bien définie : la benjamine est espiègle, la cadette joueuse et un peu rebelle, tandis que l’aînée se distingue par son sens des responsabilités et son sérieux.

Avec ses six personnages emblématiques, Full House offre, selon ma lecture, un modèle d’éducation et de pédagogie qu’il peut être enrichissant, voire essentiel, de considérer lorsqu’on fonde une famille. À travers ses 8 saisons, la série nous permet de suivre l’évolution de ce ménage atypique sur près d’une décennie, observant ainsi les personnages grandir et évoluer ensemble.

UNE TRANCHE DE VIE 

Critiquée a posteriori pour certaines répliques mal vieillies, marquées par un sexisme latent ou un manque d’ouverture à l’excentricité, Full House n’en reste pas moins une série véhiculant des valeurs fondamentales de la société. La structure de chaque épisode est assez similaire  : lorsqu’il  n’est pas simplement léger et chaleureux, il est souvent porteur d’un message moral sous-jacent. Ces épisodes, d’environ 20 minutes, s’ouvrent généralement sur la présentation d’un problème ou sur l’introduction de moyens pédagogiques qui posent, eux, problème. Le dénouement intervient invariablement à la fin de l’épisode, grâce à des outils comme la communication, la tolérance, le pardon et la bienveillance.

Centrée principalement sur l’éducation des enfants, la série aborde ainsi les différentes étapes de la vie. En suivant l’évolution des trois filles – Michelle (la benjamine), Stéphanie (la cadette) et Donna-Jo, surnommée DJ (l’aînée) – les réalisateurs parviennent à capter avec une justesse particulière les défis et moments marquants auxquels un enfant peut être confronté en grandissant :

  • Les premières bêtises : Stéphanie casse la voiture familiale, provoquant également des dégâts dans le salon. Cet incident, vécu comme irréparable, l’amène à penser que sa famille ne pourra plus l’aimer. Qui n’a pas déjà voulu disparaître sous terre après avoir réalisé une grosse boulette ? 
  • Les premiers deuils : Michelle, encore très jeune, fait face à la perte de son grand-père maternel, apprenant ainsi à gérer la mort d’un proche.
  • L’entrée au lycée : DJ traverse cette étape comme une épreuve complexe, tant sur le plan de l’adaptation à un nouvel environnement scolaire que dans l’apprentissage des normes sociales qui y prévalent.
  • Les premières tentations : la cigarette, l’alcool et les premières soirées et relations amoureuses, bien que celles-ci soient exclusivement hétérosexuelles, laissant un angle mort dans la diversité des expériences représentées.

Au-delà de ces tranches de vie, Full House met également l’accent sur l’importance des relations familiales et fraternelles. La série insiste sur le travail nécessaire pour maintenir une entente harmonieuse et durable. Elle propose également une vision éducative qui valorise les adultes dans leur rôle d’accompagnateurs, aidant les enfants à grandir et à expérimenter la vie. À mesure que les filles grandissent, elles s’éloignent progressivement des « leçons de vie » simples pour aborder des sujets plus complexes. Cependant, ces principes fondamentaux d’écoute et de bienveillance, incarnés par les adultes, continuent d’être le socle de la famille, favorisant ainsi la transition des personnages vers une maturité émotionnelle et sociale.

Par son approche fondée sur l’écoute, la communication, la bienveillance et l’amour, Full House délivre une perspective pédagogique riche. Cette vision familiale et éducative résonne particulièrement, offrant un modèle à la fois inspirant et porteur de sens dans la construction d’un cadre familial épanouissant.

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LE CINÉMA COMME MODÈLE ÉDUCATIF : UNE PÉDAGOGIE DOUCE 

Full House propose un modèle pédagogique qui, bien qu’idéalisé, permet d’illustrer des principes éducatifs essentiels pour le bon développement des enfants. Ce modèle met en lumière des pratiques que les parents ou tuteurs devraient privilégier : favoriser l’épanouissement des enfants tout en les guidant vers leur autonomie et leur maturité, afin de former des individus accomplis et justes. Comme évoqué précédemment, l’éducation dans Full House repose sur une communication omniprésente et bienveillante. Celle-ci est motivée par une écoute attentive, une prise en compte des points de vue, et une explication constante des notions de justice et de responsabilité. Même lorsque des sanctions sont nécessaires, elles restent adaptées et proportionnées à la situation, renforçant ainsi leur rôle éducatif.

La série illustre également des situations concrètes où ces principes éducatifs se traduisent en actes. Par exemple, DJ se voit offrir l’opportunité d’obtenir sa propre ligne téléphonique, mais uniquement si elle montre sa responsabilité en travaillant pour financer son forfait. Dans un autre épisode marquant, Stéphanie, encore à l’école primaire, participe naïvement à un acte de harcèlement envers un camarade. Oncle Jesse, au lieu d’opter pour une punition arbitraire, utilise cette situation pour lui faire comprendre la gravité de son comportement. Grâce à cette démarche, Stéphanie prend conscience de ses torts, présente ses excuses et finit par se lier d’amitié avec la victime.

En privilégiant la discussion, l’explication et la justification des valeurs transmises, Full House s’éloigne des injonctions autoritaires classiques. Cette pédagogie douce s’intègre harmonieusement dans une ambiance familiale continuellement aimante et chaleureuse, rendant le message éducatif de la série particulièrement marquant. Ce choix scénaristique fait de Full House une œuvre en avance sur son temps, qui met l’accent sur la prise en compte des émotions, de la psychologie des individus et de la nécessité de comprendre les règles, plutôt que de les imposer de manière stricte et indiscutable.

UNE SÉRIE AVANT GARDISTE PASSANT PAR LA RECONSIDÉRATION DE LA CELLULE FAMILIALE  

Enfin, une perspective intéressante de cette série, au-delà de l’aspect pédagogique, est la vision rafraîchissante qu’elle propose de la cellule familiale. En effet, la maison des Tanner n’a rien de banal. Plutôt que d’être unie par des liens biologiques, cette famille se construit autour du lien d’amour. Certes, cela peut sembler un peu naïf, mais la constitution de cette famille repose véritablement sur l’amitié et l’affection que chaque personnage éprouve pour les autres. 

Il y a donc dans cette série une reconsidération de la notion de famille, qui dépasse la structure nucléaire classique — un papa, une maman et des enfants. Dans Full House, il s’agit de trois figures paternelles pour trois filles. Cela démontre que les hommes peuvent posséder une sensibilité égale à celle des femmes lorsqu’il s’agit d’éduquer les enfants. De plus, ce qui unit ces trois parents n’est pas l’amour charnel, mais un amour fraternel, un modèle d’affection et de soutien qui transcende la norme traditionnelle.

Cette série illustre ainsi la nécessité de sortir des schémas familiaux classiques qui réduisent la cellule familiale à une structure rigide, parfois inadaptée. Comme le dit DJ dans l’épisode 8 de la saison 4 : « Yes Steph, we’ve lost Mum, but look, we’re so lucky to have this family. Nobody has a Joey or an Uncle Jesse in their life. We’re overflowing with love! ». 

Loin de moi la volonté de vous spoiler la fin de cette série, mais lorsque Jesse se marie avec Rebecca (collègue de Danny), le couple choisit de ne pas emménager dans l’appartement de Rebecca, mais plutôt d’aménager le grenier de la maison Tanner, afin de continuer à vivre au sein de cette famille recomposée. Même après la naissance de leurs jumeaux, ils demeurent dans cette grande maison. Cela permet aux nouveau-nés de bénéficier de l’amour inconditionnel de cette famille choisie, en faisant perdurer ce qu’ils ont  vécu durant tant d’années. 

Ainsi, la série montre que l’amour et la parentalité ne sont pas liés à des liens biologiques ou à un genre. Vivre en tant qu’adulte ne se résume pas à s’installer dans une maison avec des enfants et un partenaire. Il est essentiel de repenser cette conception et de s’autoriser , malgré les attentes de la société, à vivre avec les personnes que l’on aime et de la manière qui nous rendra le plus heureux.

CRITIQUES FAITES À L’AIR DU TEMPS 

Il est indéniable que certaines situations de Full House reflètent des stéréotypes de genre typiques des années 80 et 90. Par exemple, les rôles traditionnels associés aux personnages masculins et féminins sont parfois appuyés, et les ambitions des personnages féminins sont souvent liées à des attentes sociales de beauté et de comportement. De plus, les filles, bien qu’individuelles et pleines de personnalité, sont parfois un peu réduites à des rôles classiques de « fille sage » ou « petite rebelle ». 

Full House - Uncle Jesse and Michelle I love uncle Jesse and Michelle! They are my fav characters! I almost cry during some of their moments.

Cependant, il est intéressant de préciser que cette série, malgré ces limitations, a fait un pas en avant à son époque en présentant une famille monoparentale dirigée par trois figures masculines, qui incarnent des pères aimants mais aussi des modèles de sensibilité, d’écoute et d’empathie – des traits souvent attribués aux femmes dans les représentations classiques de l’époque. De plus, dans leur éducation, ils ne véhiculent que modérément une éducation genrée, en traitant naturellement les filles et les garçons de la même manière (ils partagent des doudous, on leur apprend à avoir la même sensibilité, etc.). Jesse fait une journée shopping avec Michelle et l’habille comme une véritable rockeuse, et les trois pères organisent régulièrement des séances de sport avec Michelle, qui s’entraîne à la pratique du football américain, au golf, à escalader des grillages, et au baseball pour Stéphanie. 

Cette approche préfigure alors un changement progressif dans les représentations masculines à l’écran, ouvrant la voie à des personnages paternels plus diversifiés et émotionnellement intelligents dans les décennies suivantes. 

Souvent critiquée pour être trop « douce » et peu réaliste par rapport aux enjeux sociaux contemporains, Full House ne prend effectivement pas en compte des sujets comme la classe sociale, la race, ou même des dilemmes plus complexes liés à la parentalité. Tout semble se résoudre assez facilement, souvent par le dialogue et l’humour, et sans s’attaquer vraiment aux problèmes de fond que les familles rencontrent dans la vraie vie. 

Toutefois, même si la série ne traite pas ces questions sociales de manière approfondie, il est important de mentionner que son but premier était de divertir tout en véhiculant des messages positifs. Le ton léger et les résolutions de conflits par des moyens non violents ou non autoritaires participent à la construction d’un idéal familial qui, tout en étant quelque peu irréaliste, propose une vision rassurante et positive du monde. Cela peut être vu comme un refuge pour les spectateurs, un espace où les tensions sociales et les problèmes complexes sont absents, permettant ainsi une forme de catharsis ou de réconfort. Alors, les valeurs de tolérance qui traversent les épisodes ont préparé le terrain pour une évolution dans la manière de traiter ces sujets dans les sitcoms et séries ultérieures. 

FULL HOUSE : QUAND LA COMÉDIE RENCONTRE LA PÉDAGOGIE En somme, Full House reste bien plus qu’une simple sitcom des années 80 et 90. À travers ses personnages attachants et ses leçons de vie universelles, la série a su offrir une vision de la famille où l’amour, l’écoute et la bienveillance priment avant tout. Bien que marquée par les stéréotypes de son époque et une certaine idéalisation de la parentalité, elle a néanmoins ouvert la voie à une redéfinition des modèles familiaux à l’écran, où les liens affectifs l’emportent sur la structure biologique. Si elle ne prétend pas aborder les enjeux sociaux complexes de manière approfondie, Full House demeure un reflet de l’époque, tout en apportant un message d’optimisme et d’espoir. À travers ses moments de tendresse et d’humour, la série nous rappelle que, dans la vie comme à la télévision, la famille se construit d’abord sur des valeurs humaines fondamentales : l’amour, le pardon et le soutien mutuel.

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