Proposée dans le cadre de la 28ème édition du Festival Chéries-Chéris et suivie d’un échange avec la réalisatrice Cláudia Varejão, la projection de Lobo e Cão (Loup et chien) était un doux moment.
Ana vit à São Miguel, plus grande île de l’archipel portugais des Açores. Entre le continent et elle, l’immensité de l’océan Atlantique et l’écrasante pesanteur des traditions et de la religion qui rythment le quotidien et entravent la vie de la communauté queer. Ici, insularité rime peut-être plus avec captivité qu’avec liberté.
Pourtant, São Miguel apparaît aussi comme le lieu d’intimités et de fidélités, familiales et amicales. Dès lors, la mer éloigne autant qu’elle rapproche car l’appel du large s’y superpose au frisson amoureux. Et le bleu de l’océan se confond avec le bleu de la nuit, entre chien et loup. Pour Cláudia Varejão, les baleines incarnent d’ailleurs cet équilibre entre attachement aux lieux et liberté, que semblent rechercher Ana, son ami Luis (respectivement interprété·e·s par les sublimes Ana Cabral et Ruben Pimenta) et le reste de la communauté queer de São Miguel.
Car la réalisatrice et documentariste filme aussi les lumières colorées et maquillages pailletés de deux générations queer soudées contre les différentes formes d’intolérance qui s’immiscent dans les relations sociales insulaires. Ainsi, à l’amère austérité des processions et des pèlerinages religieux répond la joie flamboyante des scènes de rires et de danse, sous-tendues par un hommage au chanteur allemand Klaus Nomi, icône gay à mi-chemin entre opéra et scène new wave des années 1980. D’ailleurs, dans ce long-métrage relevant plutôt d’un témoignage ethnographique, les moments de fiction surgissent aussi comme des espaces d’expression pour des acteur·ice·s açorén·ne·s non-professionnel·le·s qui jouent alors ce qu’iels ne peuvent pas être au quotidien, sur l’île.
Alors, pour plonger dans la douceur de la mer, rendez-vous en salles ce mercredi 12 avril.
Clara Slimani