La Collectionneuse est un long métrage français réalisé par Éric Rohmer en 1967. Il est issu de la série des six contes moraux, qui comprend des œuvres majeures du réalisateur, comme Le genoux de claire ou encore l’Amour l’après-midi. Il reçoit d’ailleurs l’ours d’argent à la Berlinale (festival de films de Berlin).
Notre personnage principal, Adrien, est interprété par le charismatique Patrick Bauchau. Ce dernier décide après 10 ans de mondanités et de dandysme de prendre des vacances d’un mois et de quitter son mode de vie le temps d’un été. Il se retrouve donc invité par un amis dans sa villa provençale, au charme rustique. Il entreprend alors, aux cotés de son ami de toujours, de vivre au rythme d’une vie monacale et simple; de ne rien faire, ni penser. C’est sans compter sur l’arrivée remarquée de la jeune Haydée (Haydée Politoff), adolescente ingénue et rebelle qui ne tardera pas à troubler le calme qui règne. La jeune femme collectionne les conquêtes d’un soir, sort beaucoup; elle vit donc aux antipodes de ses deux colocataires. Après une phase de relative indifférence se forme sous nos yeux le trio doux amer, beau et absurde qui fait figure de proue du film.
La collectionneuse c’est beau, c’est contemplatif, c’est délicieusement drôle et apaisant, c’est un film estival. La collectionneuse c’est la plage, les maillots de bain d’Haydée, le soleil, le café, les gauloises, des livres de Rousseau. Ce quotidien qui pourrait sembler banal est sublimé et s’imprègne de poésie et de lyrisme. La collectionneuse est un film qui offre une expérience visuelle marquante; l’image est intemporelle avec des couleurs à couper le souffle. Le film « prend son temps » et c’est particulièrement appréciable. On ne sature pas d’informations, on n’est pas assaillis d’images, on déguste.
Grâce à ce film, Rohmer nous plonge dans son univers, celui du bourgeois bohème des années soixante. Ce qui aurait pu être un film mielleux et mondain s’avère en réalité d’une finesse et d’une drôlerie insoupçonnée. La collectionneuse est non seulement un film bourgeois mais aussi un film totalitaire au sens absolu du terme. Avec la collectionneuse, Rohmer joue les enfants terribles de la bourgeoisie, en en dressant un portrait si absurde qu’il en devient comique. Il se joue des codes et des manières d’agir.
Derrière leur apparente indécision, les personnages sont radicaux. Les dialogues sont étriqués, avec des personnages forts de leur intellect ostentatoire mais radicalement absurdes. Toute l’ambiguïté et la force du film résident dans ces personnages à la fois sans compromis et tout en nuances. Leur partis pris sont entiers, leurs lignes de conduite obtus, créant ainsi une atmosphère grisante et comique par l’incongruité de certaines scènes ou de certains dialogues. On rit d’eux, de leurs manières, si radicales et décalées; et c’est beau. Ainsi des scènes qui peuvent sembler agaçantes par leur lenteur, par la quasi lasciveté des personnages, m’ont personnellement touchée, pour toutes les raisons que je viens d’énoncer. C’est à mon sens là que se joue le génie de Rohmer, ce même point où s’agglomèrent la majorité des critiques à son encontre.
En somme, La collectionneuse c’est un Call me by your name version éthérée qui saura, sans aucun doute, palier à la difficile attente de l’été.
Chloé Daveux