Film choc, Only God Forgives a suscité de nombreuses réactions, d’abord à la fin de sa projection au festival de Cannes où il a été sifflé par une partie des spectateurs, sûrement déroutés par la différence avec son précédent film projeté à Cannes : Drive. Mais aussi chez les politiques au moment de la classification, Ségolène Royal a accusé la ministre de la Culture d’avoir cédé à la pression des producteurs en faisant déclasser le film de – 16 ans à – 12, alors qu’elle qualifie le film d’ultra-violent.

Sortie en 2013, écrit et réalisé par Nicolas Winding Refn, le film a été tourné à Bangkok en Thaïlande. Sorti juste après le film Drive qui a connu un franc succès et le prix de la mise en scène lors du 64ème festival de Cannes en Mai 2011, Only God Forgives est la deuxième collaboration de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling.

Mais contrairement à ce qui était attendu, Only God Forgives n’est pas un Drive 2. Le réalisateur a voulu s’affranchir du succès de Drive, ne pas se répéter. Dans une interview donnée à Clique, il explique ne pas vouloir devenir consensuel car selon lui, le consensus est l’ennemi de la créativité, c’est pourquoi il a décidé s’affranchir de Drive.

Dans ce film donc, pas de jolie fille, pas de voiture qui viennent adoucir le film, qui le rendent plus accessible, plus sensationnel. C’est un film noir, qui pousse à son paroxysme ce que sont les films de Nicolas Winding Refn, l’amour et la violence. Il pousse les émotions à leurs maximums, il ne cherche pas à les cacher, à les brider et c’est exactement ce que l’on retrouve dans le film. Si vous n’aimez pas le style de NWR, vous n’allez pas aimer ce film, vous allez le huer. Mais dans le cas contraire, vous allez l’idolâtrer.

Le scénario d’Only God Forgives est pourtant assez simple. Il raconte l’histoire de deux frères gérant une salle de boxe mais qui sert en fait de couverture pour organiser le deal à Bangkok. Leur mère, vraie personnage principale du film (désolé Ryan), dirige le deal.

Un soir, Billy (Tom Burke) le frère aîné de Julian (Ryan Gosling) tue une prostituée et se fait ensuite massacrer par la police. La mère débarque à Bangkok pour l’enterrement de son fils et demande à Tom (Ryan) de venger son frère. S’ensuit un affrontement entre Tom et le chef de la police, Chang, représentant Dieu qui juge et puni avec son sabre, affrontement assez classique de gangster contre la police.

On découvre alors une rivalité entre frères, une relation œdipienne entre Julian et sa mère. Julian cherche à s’affranchir de l’emprise de sa mère, complètement impuissant face à elle qui l’écrase, avec l’image du policier Chang qui vient hanter ses pensées et le ramène inlassablement à une vie qui lui échappe.

Mais l’histoire n’est pas le plus important dans ce film, elle ne sert que de prétexte pour que le style de Nicolas Winding Refn s’exprime. Dans ce film, on retrouve tout ce qui fait Nicolas Winding Refn.

D’abord l’utilisation des ralentis, nombreux dans le film, qui permettent de donner au film une ambiance planante qui donne l’impression d’entrer dans un autre monde, où violence et silence s’alternent. Il y a ensuite la saturation de couleurs, similaire à ce que Gaspar Noé peut faire dans ses films. Par exemple, le rouge des chambres rend le lieu surréaliste, ou même dans le bordel où son frère se fait massacrer, la pièce entièrement éclairé de rouge évocateur du bain de sang qui va suivre, participe à créer une atmosphère propre aux films de NWR ; chaque scène devient excitante et belle. Mais aussi et bien sûr des personnages mutiques faussement impassibles, avec comme principale dialogue les expressions corporelles, les expressions du visages, domaine dans lequel excelle Ryan Gosling.

On peut même retrouver du David Lynch dans la réalisation. Comment ne pas penser à la bizarrerie Lynchienne lors des scènes surréalistes, hors du temps, que sont les moments karaoké qui surviennent pour la plupart après des scènes d’une extrême violence ou tout le monde regarde immobile le chef de la police Chong chanter des chansons douces.

Contrairement aux autres films de NWR, la surprise du film vient de la place que prend le rôle féminin joué par Crystal Hopkins. A l’opposé d’un film comme Drive où les femmes ne servent qu’à mettre en valeur le personnage principal, Kristin Scott Thomas prend une place principale dans le film et va même jusqu’à effacer les personnages masculins. Cette présence rend encore plus intéressant le personnage un peu cliché de Julian.

Pour conclure, on peut dire que l’esthétique du film l’emporte sur l’histoire, et rend le film terriblement séduisant. Tout cela fait d’Only God Forgives un des films les plus aboutis de Nicolas Winding Refn.

Wilhem Vedel

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