Un top 10 et 3 coups de cœur : de quoi (re)découvrir les films qui ont fait le bonheur des acédien.ne.s en 2022 ! 

  1. Sans Filtre, Roben Östlund

Comment Ruben Östlund dans Sans filtre cherche-t-il à nous faire prendre conscience du chaos grâce à l’art ? Dénonciation de la hiérarchie sociale et du désordre qui en découle, Sans filtre est un récit reposant sur la distinction entre pouvoir et légitimité. Déconstruisant toutes les valeurs fondant notre société, le film se désole de la bassesse de la nature humaine. Entre Titanic et Koh Lanta, le décor est multiple pour dessiner les contours d’une société de classe. A force de satire, Ruben Östlund, jusqu’au-boutiste, roule bien trop souvent dans la fange. Parfois on rit. Parfois non. Ce n’est pas grave, et puis il serait difficile de changer un auteur habitué au comique de la gêne. Entre des situations plus burlesques les unes que les autres, tournant vers un humour scatophile, il arrive d’entrevoir d’autres horizons, comme lorsque l’ordre social se voit bouleversé par le naufrage du yacht. Ici, émerge une réflexion vache mais poignante sur l’inversion des rapports de pouvoir et l’empathie. Et là on se dit qu’avoir foi en ce que l’on voit n’a jamais porté préjudice à un film.

Justine Strohmann 

  1. The Batman, Matt Reeves

Le pari était risqué, et l’accueil n’a pas été unanime. Bruce Wayne en a connu des visages, et celui de Robert Pattinson ne plaisait pas aux fans. Prendre la relève des chefs-d’œuvre de Nolan, c’était un défi de taille…que Matt Reeves a relevé avec brio ! 

Le Bruce Wayne de Pattinson ne ressemble en rien à celui de Bale. Elle est loin l’image du beau gosse, milliardaire et philanthrope. Durant ses quelques minutes d’apparition à l’écran, Wayne apparaît plus tourmenté que jamais, traumatisé par son passé et rongé de l’intérieur par son alter-ego : “2 years of night have turned me into a nocturnal animal”. Sa seule raison de vivre semble être “d’avoir un impact”, de décriminaliser Gotham.

Le “supervilain” tire les ficelles dans l’ombre et mène le Batman à la baguette. Il sème des énigmes sur ses scènes de crime, à l’image du John Doe de Kevin Spacey dans Se7en.   Pour une fois dans les films de superhéros, le vilain n’est pas un fou en soif de pouvoir. Ici, c’est une histoire plus complexe, qui demande à fouiller le passé, réveiller des souvenirs douloureux, révéler les mensonges sur lesquels est bâtie Gotham. Le Riddler de Paul Dano en veut personnellement à Bruce et la famille Wayne, et c’est une histoire de règlement de comptes qui se profile. Durant 3h qui n’en semblent qu’une, le spectateur embarque dans une aventure à travers la structure politico-judiciaire de Gotham, que Riddler entend bien renverser. Tout semble ramené à Gotham. 

Ainsi, The Batman n’est pas un film de superhéros. Film noir transformant le justicier masqué en détective, c’est avant tout un film sur Gotham. La pluvieuse, éternellement sombre, dégoûtante et violente Gotham, filmée comme on ne nous l’a jamais montrée (et ce ne sont pas les essais qui manquent !). On voyage à travers la ville, on longe ses ruelles crasseuses, on visite ses clubs souterrains, on prend son métro miteux. Comment oublier cette scène d’ouverture, dans le soleil levant, traversant la capitale à moto sur fond de Nirvana ? 

Et si le personnage de Catwoman (splendidement incarné par Zoë Kravitz) est si absent et accessoire, ce n’est que pour emphaser le véritable love interest de cette histoire : Gotham. 

On comprend alors quelle était l’histoire que Matt Reeves voulait raconter. The Batman n’est pas un film de superhéros, et n’en n’a jamais eu l’ambition. C’est l’odyssée intime et personnelle d’un Batman qui se cherche encore, et qui apprend peu à peu quel est son véritable rôle, comment avoir sur Gotham l’impact auquel il aspire. The Batman est un baptême, du vengeur qui inspire la crainte au justicier qui répand l’espoir…!

L’espoir est en tout cas bien présent chez les fans de DC, alors que la franchise semble prendre une toute nouvelle direction artistique depuis le Joker de Todd Phillips. Une DA plus sombre, plus psychologique, qui s’éloigne de ses échecs passés et se distingue de la recette Marvel de moins en moins appétissante.

Léa Meimoun

  1. En corps, Cédric Klapisch 

En Corps est bien plus qu’un simple film de danse ou de blessure. C’est un véritable hymne à la vie, au corps et à la reconstruction. 

Le film s’ouvre superbement dans les coulisses d’un ballet de l’Opéra de Paris, entre deux très belles scènes de La Bayadère. Puis survient sur le plateau la blessure d’Elise, incarnée par Marion Barbeau, et un générique complètement décalé vient casser immédiatement cette image de rêve pour nous faire rentrer dans la nouvelle vie du personnage. Elise doit apprendre à se réinventer, et au fil de hasards et de connexions, notre héroïne se retrouve en Bretagne dans une maison comme coupée du monde, où ne restent que bonne cuisine, bonne humeur et amour des Arts et de la danse, le tout en très bonne compagnie.

Les acteur.ice.s ont en effet une très très bonne alchimie, que ce soit l’excellent François Civil en kiné un peu perdu, Marion Barbeau qui pourtant débute dans l’acting, ou encore le couple volcanique de Pio Marmaï et Souheila Yacoub, et il en ressort des scènes extrêmement drôles.

Les ballets classique, la chorégraphie de Schechter, la musique incroyable qui rythme le film, les couleurs, tout est pour moi parfait : du début à la fin, le film jongle magnifiquement entre des scènes vibrantes et puissantes de danse contemporaine, des moments d’émotion et de sentiments, des scènes de la vie quotidienne dans lesquelles on ne peut que se retrouver (notamment sa relation compliquée avec son père -Denis Podalydès-), et des transitions humoristiques. C’est là qu’on voit le génie de Klapisch et de son casting, qui arrivent à nous faire passer du rire aux larmes pendant deux heures.

Cédric Klapisch nous donne ainsi avec ce film une belle leçon : profite de ce que la vie a à t’offrir et saisit les occasions. A travers ce portrait d’une danseuse de 25 ans, de son entourage et de leur évolution personnelle, on rit et on s’émeut, et on ressort du film tellement heureux.se, avec une envie folle de danser.

Vous l’aurez compris à ma critique très peu nuancée : En Corps a été mon coup de cœur de l’année, et je ne peux que vous conseiller de le voir ou le revoir, en corps et encore.

Eloïse Peslin

Une critique vidéo de ce film par l’ACD

  1. Nope, Jordan Peele : Nope – l’ovni d’Hollywood made in Jordan Peele

Perdu au fin fond d’une vallée californienne, OJ tente de remonter la pente après la disparition de son père, célèbre dresseur de chevaux pour Hollywood. Avec sa sœur, Esmerald, qui avait pourtant choisi de s’éloigner du ranch familial, il va se retrouver à devoir faire face à des événements plutôt insolites.

Dans son dernier (merveilleux) film, Jordan Peele s’intéresse à plusieurs habitant.e.s d’un bout de désert où se côtoient des presques cowboys, des futures stars d’Hollywood et des directeurs de parc d’attraction en déclin. Même s’il n’y a pas beaucoup d’intérêt à dévoiler en détails le cœur de l’intrigue de ce film indescriptible, il est indispensable de montrer le bijou enfoui derrière la grosse production américaine.

Nope c’est un bouquet de plein de choses, de moments d’horreur, de sursauts, d’incompréhensions, de loufoque, de fantastique et d’amour familial. Et que c’est plaisant ! 

Ce qui est frappant dans Nope, au-delà de la manière dont Jordan Peele parvient à nous tenir dans un semi stress tout du long, c’est la force des dialogues.

Alors que l’intrigue est totalement fantastique et abracadabrantesque, les dialogues sont beaux et vrais, rien n’est forcé et les personnages sont bien construits, tout en restant attachants et non manichéens . Je me souviens du bonheur que ce fut de voir Esmerald et son frère à l’écran en train de rigoler, un bonheur simple dans le chaos émotionnel et matériel.

L’importance particulière accordée à des personnages dits secondaires et aux histoires parallèles à l’intrigue principale est géniale, essentielle et permet la création d’un univers concret dans lequel on se retrouve totalement épris et qui fait la force de Nope. Ces aspects le différencient aussi des films du genre fantastique et horrifique dont les discours peuvent sembler sonner de plus en plus creux.

Comment penser à Nope sans évoquer la photographie, la manière dont sont filmé.e.s les acteur.ice, les textures, les étendues, les peaux des personnages. Le bleu intense de la nuit, presque caractéristique du cinéma de Jordan Peele, se reflète tellement bien dans les yeux et sur la peau de Daniel Kaluuya (OJ), qui, terrorisé depuis sa camionnette, parvient à scintiller dans le silence de la nuit.

Nope a une force satirique, fantastique et magnifique, celle qui vous donne une claque et vous fait ouvrir la bouche et hausse les sourcils d’ébahissement en salle ! 

Alerte pépite à ne pas rater !

Emma Revillet

  1. Licorice Pizza, Paul Thomas Anderson

Après un détour à Londres dans l’immense et vénéneux Phantom Thread, Paul Thomas Anderson (PTA) renoue avec son Los Angeles natal des seventies dans Licorice Pizza. On y suit l’histoire d’amour naissante entre Gary Valentine, adolescent débrouillard et bourré de confiance en lui, et Alana Kane, jeune femme plus âgée mais un peu moins sûre d’elle. Avec eux, nous voilà partis en vadrouille dans la Cité des anges, où se côtoient gaiement étoiles montantes, stars déchues à l’égo surfait et manigances superficielles en tout genre.

Comme à son habitude, PTA s’amuse à déjouer les codes de l’histoire d’amour, en s’attaquant cette fois à la teenage romance. Alana et Gary sont des électrons libres, passant leur temps à se repousser pour mieux s’attirer l’un vers l’autre. Leur amour va au gré du temps passé ensemble et de leurs aventures, même si elles occasionnent au passage jalousie et rancœur. Les sentiments ne restent jamais sur la même tonalité : leur amour mute sans cesse et fluctue au gré des entreprises qu’ils bâtissent seuls ou ensemble. La vitalité du film reflète le dynamisme absurde d’une époque et de ses personnages, courant dans les rues d’Encino car jamais lassés de vivre. Leurs courses se font sur une BO 100% vintage réunissant Sonny & Cher, Nina Simone et les plus grands tubes de cette décennie. 

Portant la même nostalgie pour cette époque que Quentin Tarantino dans son Once Upon a Time… in Hollywood, PTA capte à nouveau, dans son opus le plus charmant et drôle, l’énergie d’une ville où tout est possible ou presque ; même dévaler la vallée de San Fernando en marche arrière dans un 6 tonnes en panne. Irrésistible et beau comme un camion ! 

 Raphael Dutemple

Un autre article de l’ACD sur ce film

  1. Decision to Leave, Park Chan-wook 

Le détective Hae-Joon dort mal ou peu. Cela ne l’empêche pas d’être un brillant investigateur, aucune enquête ne lui résiste. Mais quand il se penche sur la mort d’un homme, Ki-Do soo, au sommet d’une montagne alors qu’il faisait de l’escalade, la machine s’emballe. Hae-Joon soupçonne Sore, la femme du défunt, bien que déstabilisé par son attirance pour elle. Jusqu’où ira l’enquête ? Le détective va-t-il faillir ? 

Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes de 2022 pour Park Chan-Wook, c’est presque un pléonasme tant le film épate par son incroyable maîtrise formelle. Decision to Leave est comme une explosion de toutes les puissances du cinéma : cadrage, décadrage, 4ème mur brisé, zoom, contre-plongée… le réalisateur ne se refuse rien, prend des risques constamment mais retombe toujours sur ses pieds. C’est à la fois la force et la limite du film qu’on taxerait d’un peu trop démonstratif, sacrifiant ainsi le scénario un peu compliqué. 

L’enquête s’entremêle avec la passion des personnages principaux mais le coup de force du film est de tirer son ampleur de cette idylle. Decision to Leave est en définitive une histoire de possession qui, à la manière de Vertigo, vire à la névrose mais sans jamais plier le genou face au chef d’œuvre d’Hitchcock. Park Chan-wook boxe dans la cour des grands et il a un assez bon coup droit. 

Omer Gourry

  1. Elvis, Baz Luhrmann 

L’année 2022 a été marquée par le retour d’un réalisateur à l’esthétique bien connue : Baz Luhrmann. Après Roméo + Juliette, Moulin Rouge!, ou encore Gatsby le Magnifique, Luhrmann a décidé, pour poursuivre dans sa lignée d’exubérance, de revenir avec un biopic, et pas des moindres, un biopic sur The King. 

Biopic oblige, le scénario retrace le parcours d’Elvis Presley, l’artiste solo ayant vendu le plus de disques de l’histoire. De son enfance dans un ghetto du Mississipi, à l’influence du blues et du gospel dans sa formation musicale, jusqu’à sa rencontre avec le suspicieux Colonel Parker qui le mènera au sommet de la gloire et au plus profond des méandres du showbusiness des 60s et 70s, les 2h40 sont très complètes, malgré quelques facilités scénaristiques… L’écriture n’en reste pas moins très puissante, et rend hommage au King de manière très juste en soulignant son importance dans l’histoire des États-Unis. 

Un casting exaltant mène la danse : Austin Butler fait une entrée spectaculaire dans la cour des grands d’Hollywood avec une interprétation magistrale. Le plus extraordinaire est certainement que l’acteur interprète lui-même les titres du King pendant plus de la moitié du film, et croyez-nous, si on ne vous avait pas donné l’info, vous n’auriez rien remarqué ! Il fait plus qu’incarner Elvis, il le devient ; nous ressentons réellement les années de préparation qu’il aura dû consacrer à ce rôle, certainement le rôle de sa vie. Butler a déjà à ce jour remporté le Golden Globe du meilleur acteur dans un drame pour son rôle, et est encore en lice pour l’Oscar. À ses côtés, nous retrouvons également un Tom Hanks métamorphosé ainsi qu’une Olivia De Jonge très juste dans le rôle de Priscilla.

La réalisation du film et son rythme, à couper le souffle, rendent hommage au King en retransmettant son énergie mais aussi son style, très baroque et rock’n’roll. Bien sûr, on entend presque constamment les chansons d’Elvis, des plus légendaires à d’autres moins connues. Des musiques plus modernes, comme des extraits de rap ou des reprises, viennent aussi créer une sorte d’anachronisme musical, correspondant bien à la philosophie d’ouverture musicale d’Elvis, et permettant aussi aux jeunes de s’y retrouver et d’apprécier d’autant plus le film.

L’esthétique est très pailletée, presque bling-bling, avec de nombreuses lumières et couleurs, dignes de la flamboyance d’Elvis. Le montage est très haché, avec de nombreuses coupures et superpositions d’images, rendant le rythme très intense, ce qui rend vraiment justice à l’exubérance d’Elvis et nous immerge dans son univers scintillant. De plus, le film regorge de scènes de concert dans lesquelles les mouvements d’Elvis sont recréés à la perfection, permettant de capter son énergie et de nous donner l’impression d’y être.

Ainsi, que vous soyez déjà férus de rockabilly, de blues, de gospel ou d’orchestres, que vous désiriez en apprendre davantage sur le destin tragique d’une des plus grandes stars du XXème siècle, ou même que vous souhaitiez passer 2h40 envoûtantes dans l’univers sensationnel de Luhrmann aux côtés du nouveau prodige d’Hollywood, ce film est pour vous. Faites-nous confiance, à nous deux nous avons payé le cinéma plus de 15 fois pour aller le revoir, ce n’est pas pour rien ! C’est pour nous la plus belle déclaration d’amour au King qui a été faite au cinéma.

Nina Vialet et Anaëlle Mousserin

  1. Close, Lukas Dhont 

Close nous raconte l’histoire d’une amitié fusionnelle entre deux enfants, Rémi et Léo, qui se heurte au regard de leur pairs. Les deux garçons découchent l’un chez l’autre et parfois dorment ensemble. Ils ont cette amitié naturelle qui nous replonge immédiatement en enfance et nous rappelle nos meilleur.e.s ami.e.s à l’âge où qualifier les relations avec des mots n’est pas nécessaire. Ce retour en enfance est particulièrement marqué par un traitement de l’image à la douceur orangée, par des scènes de galopades dans de grands espaces ouverts et par une palette de couleur particulièrement bariolée. 

L’arrivée au collège des deux jeunes gens se heurte à la violence des mots et au besoin de savoir ce qu’ils sont. Ceci se matérialise par la question d’une de leur camarade : « Vous êtes en couple ? ». Quatre mots qui seront lourds de conséquences sur la relation de nos deux personnages dans un cadre pré-adolescent où l’affirmation de la masculinité et de l’hétérosexualité sont facteurs d’intégration dans la meute. Lukas Dhont dépeint la dégradation de la relation des deux garçons qui, à l’âge de l’enfance, se contentaient d’exister avec une profondeur naturelle et sans que celle-ci ne penche soit dans la romance soit dans la pure amitié. En effet, cette définition n’était pas nécessaire car la simple tendresse de son existence suffisait. Léo s’adapte, ne supporte pas la moquerie, revêt le masque du gros dur, se fond dans le moule que lui impose ses camarades et encaisse les coups au hockey. Mais Rémi refuse d’abandonner sa douceur naturelle. Les deux enfants ont un jeu à couper le souffle et principalement Eden Dambrine dont la justesse est impressionnante pour son âge. 

Dans la seconde partie du film, les conséquences de ce cadre s’affirment et les enjeux basculent. Lukas Dhont souhaite alors dépeindre la pudeur des personnages et laisse une place forte au hors champs et aux lourds silences. Cela donne alors un ressenti de sentiments étouffés. Malgré les gros plans sur des yeux mouillés ou des gorges serrées, l’émotion reste dans le film et passe difficilement du côté du spectateur. Peut-être qu’à trop vouloir dépeindre la pudeur, Lukas Dhont s’y est quelque peu égaré par moment. Le film est aussi le récit d’une culpabilité et la quête d’un pardon qui, celui-ci, explose avec brio sur la clôture du film. Close est également un film dont l’esthétique est à souligner. De la douceur des champs de fleurs à la froideur de la glace, Lukas Dhont jongle avec les décors pour symboliser les émotions de ses personnages car ces derniers n’ont pas la force de les exprimer eux-mêmes. C’est comme si le réalisateur voulait les épargner, les aider à traverser l’épreuve difficile à laquelle ils sont confrontés et ce dans un cadre privé en nous tenant à l’écart. 

Dans Close, l’événement au cœur du film nous reste caché tout comme Léo parmi les autres enfants, tout comme sa souffrance et sa culpabilité au milieu du terrain de hockey.

Inès Bennani

Un autre article de l’ACD sur ce film

  1. Bullet Train, David Leitch

Au Japon, un assassin en pleine crise existentielle embarque à bord d’un train rempli de tueurs à gages aux personnalités excentriques à la recherche d’une mystérieuse mallette.  

Pour incarner cette joyeuse troupe, un casting exceptionnel avec en tête d’affiche Brad Pitt accompagné de belles pépites tel Joey King et Brian Tyree Henry mais aussi la superstar Bad Bunny, plus connu pour enflammer le hit-parade reggaeton que pour son jeu d’acteur. Le tout est réalisé par David Leitch, déjà derrière la caméra dans le poétique Fast and Furious : Hobbs and Shaw et le mélancolique Deadpool 2

Ayant récolté une belle fortune au box-office, Bullet Train s’est imposé comme l’une des superproductions les plus rafraîchissantes de ce cru 2022. Au programme, imbroglios, couacs, déconfitures, et fiascos en tout genre mais aussi combats, mystères, introspections et passions. Certes, on retrouve tous ces critères dans n’importe quel épisode de Scooby-Doo, mais dans Bullet Train on les découvre sublimés à leur paroxysme. 

En résumé, un cocktail action-thriller-comédie se dégustant avec plaisir tant pour son rythme effréné que pour son esthétique soignée.

Guillaume Aubert 

  1. Everything, Everywhere, all at once, Daniel Scheinert et Daniel Kwan

Imaginez. Vous vous réveillez un matin et vous vous rendez compte que rien ne va dans votre vie. Vous allez mettre la clé sous la porte, votre mari s’apprête à divorcer, vous n’arrivez pas à communiquer avec votre fille. En gros, ça va comme un jeudi pluvieux de mi-février, pas top. Puis, tout à coup une version alternative de votre mari vous explique qu’un multivers existe, qu’il est en danger et qu’en plus vous êtes le dernier espoir… A la bonne heure ! Eh bien vous êtes Evelyn Wang, héroïne du film et jouée par l’excellente Michelle Yeoh. 

Je vous entends déjà vous insurger « Et allez encore un multivers… » eh bien oui encore un… Mais ! (Il y a toujours un mais) Pour une fois, il est cohérent, les règles sont relativement compréhensibles et on y croit. Oui c’est ce qu’on dit à chaque fois je sais… Mais ! (Encore un…) Laissez-moi vous expliquer. Ici, certaines personnes, dont Evelyn, ont le pouvoir de se connecter aux autres univers. Pour y parvenir, il faut faire un truc improbable. Cela peut être manger un mouchoir ou bien planter votre prof d’arts plastiques avec une pipette jaugée volée mardi en TP de Chimie, peu importe. L’essentiel c’est de sortir de l’ordinaire. Une fois connecté, le voyageur d’univers possède les facultés de son alter ego de l’univers auquel il s’est raccordé. On se retrouve donc avec des scènes à la Matrix où n’importe qui peut être champion d’arts martiaux ou sniper d’élite.

Le film exploite d’ailleurs assez bien les différents univers, ils ne servent pas qu’à décorer. Ils servent aussi à rire ! What if on avait des saucisses à la place des doigts et on était en couple avec notre comptable qui nous a forcé à déposer le bilan dans un autre univers ?  Blague à part, tout l’intérêt du film repose sur ce multivers. Chaque univers apporte un questionnement. Chacun témoigne d’un aspect de la vie d’Evelyn, d’un choix qu’elle a fait ou n’a pas fait. Ainsi, le film traite avant tout de trajectoire de vie. Que serait notre vie si on avait priorisé notre réussite professionnelle ? Que serait-elle si on avait choisi l’amour ? Ou bien encore, où serions-nous si on avait fait le choix de la famille ? Ce multivers offre la possibilité d’entrevoir ces options et porte un message fort : il faut assumer ses choix, faire avec. Vivre dans le regret n’apporte rien si ce n’est de la peine. Il est facile de rêver de cet univers où on est devenu une actrice célèbre comme c’est le cas pour Evelyn, mais il est bien plus compliqué de faire face à la vie qu’on a. Elle peut ne pas nous satisfaire mais il est important de la regarder sans prisme, sans fioritures, sans se dire « Et si ? … ». Les « si » n’existent que dans ce film. Et ce dernier est très clair. Notre vision du « Et si ? » est biaisée. Un choix n’a pas qu’une conséquence. Notre bonheur ne se résume pas qu’à un aspect de notre vie. Evelyn ne gagne pas bien sa vie, elle n’est pas actrice dans son univers mais contrairement à son alter ego, elle a une fille et elle s’est mariée avec son amour de jeunesse. 

Pour conclure, Everything everywhere all at once est merveilleux, on voyage. Que ce soit physiquement entre les univers, apportant chacun leur lot de couleurs tantôt flamboyantes tantôt ternes, de costumes tous plus beaux les uns que les autres et de pouvoirs improbables. Mais, (c’est le dernier promis) ce voyage est aussi spirituel. On passe par différentes étapes : le rire, l’empathie, la tristesse et surtout la remise en question. En bref : regardez-le.

Nicolas Kanoui

Coup de cœur 1. As Bestas, Rodrigo Sorogoyen : Dès que les vents tourneront, nous nous en allerons

Antoine et Olga, un couple de Français, emménagent dans un village de Galice afin d’y installer une ferme biologique. Toutefois, les relations avec leurs voisins ne sont pas au beau fixe : les étrangers font tâche parmi les natifs. Mais lorsqu’Antoine est le seul du village à refuser l’installation d’un parc éolien, la guerre est finalement déclarée ; notamment entre lui et les deux frères habitant tout près, Xan et Lorenzo. 

As Bestas, dernière œuvre de Rodrigo Sorogoyen, dresse un portrait en double ; comme un jeu de miroir entre deux hommes pris dans une bataille psychologique mêlant paranoïa, intimidations et l’empathie d’un spectateur oscillant entre l’une et l’autre des positions extrêmes défendues par chacun des protagonistes. 

Le duel psychologique entre les personnages parvient à éviter le recours au manichéisme pur et simple. Si les méthodes d’intimidation utilisées par Xan et Lorenzo sont tout à fait condamnables en soi, l’intérêt défendu par les natifs de ce petit village galicien nous amène à revoir notre position initiale : Antoine ne devrait-il pas faire un pas vers ses voisins, et aider son village en donnant enfin son accord ? 

Cela serait sans compter sur l’orgueil d’Antoine ; car au-delà d’un point de vue que le Français souhaiterait défendre, c’est aussi une question d’honneur qui se fait de plus en plus ressentir tout au long du film. Antoine est désormais un habitant de ce village : camper sur sa position revient à défendre sa légitimité à cultiver cette terre, et donc à y vivre. Une position que son épouse, Olga, comprend pourtant de moins en moins : comment peut-on défendre son honneur jusqu’à en exposer sa propre vie à divers risques et périls, potentiellement funestes ?

Le découpage en deux mouvements du film, loin de créer un sentiment de rupture brutale et inutile, permet un changement de focalisation ingénieux ; le spectateur s’accroche à son fauteuil, son souffle se coupe, ses yeux se plissent. Les silences sont pesants, plaquent leurs mains invisibles sur nos bouches grimaçantes afin d’éviter l’expression audible de notre étonnement en cas de bruit brusque. Une tension qui côtoie presque toujours le paroxysme pour mieux nous entraîner dans une chute vertigineuse ; une chute synonyme de soulagement, qui s’avérera chaque fois temporaire. 

À travers un manque de communication évident entre Antoine et les deux frères, ainsi qu’une volonté de vengeance plus qu’assumée par ces derniers, As Bestas propose une montée en tension qui n’a rien à envier aux grandes productions hollywoodiennes. Le réalisateur espagnol nous démontre avec ce nouveau film, à l’instar de son splendide Madre (2019), que le cinéma étranger est plus que capable de manier l’art du thriller haletant, en usant d’une situation aussi commune, et que nous croirions donc à tort inoffensive, que la discorde de voisinage.

Pareil aux bourrasques alimentant les éoliennes le long des autoroutes, le vent tourne près de la terre galicienne, emportant avec lui trois hommes dans une tornade inéluctable et dévastatrice.

Albane Perrot

Coup de cœur 2. Les Nuits de Mashhad, Ali Abbasi : critique d’une traque au milieu des ombres

Sur la pointe des pieds, elle quitte son appartement. Elle se maquille, se change, et attend sur le trottoir. Jusqu’à ce qu’un homme l’accoste, et l’étrangle. C’est sur ces premières images que commence Les Nuits de Mashhad, Prix d’interprétation féminine à Cannes en mai dernier. 

Le film s’inspire d’une affaire des années 2000 lorsqu’un maçon iranien assassina, au nom de la pureté de la ville sainte, plus de 16 prostituées. En effet, la mort rôde dans les ténèbres de Téhéran. Elle traque les femmes. Car c’est bien de féminicides dont parle le long-métrage d’Ali Abbasi. On y suit Rahimi, une journaliste qui décide de traquer l’assassin, quitte à servir elle-même d’appât. 

Les nuits de Mashad aurait pu s’arrêter là, dans cette traque au milieu des ombres pour la vérité, dans les pulsions hypocritement saintes de son tueur. Mais il n’en est rien. Le polar est un prétexte puisqu’au bout de dix minutes de film, le spectateur connaît l’identité du tueur. Une excuse pour dresser un portrait cru du régime iranien en place. Ici, le mal est justifié par la morale. Si l’assassin a réussi a perpétrer autant de meurtre avant d’être finalement inquiété, c’est en grande partie à cause des autorités locales. Ressentant peu de sympathie pour ces « victimes-là », la police corrompue refuse d’admettre qu’un tueur en série sévit dans les rues de Téhéran. Pire encore, le tueur, Holy Spider, est perçu comme un héros. 

Ali Abbasi couple cette vision des autorités au récit d’une société sous le joug religieux, ou la moitié de la population est renvoyée à sa condition. Celle d’une femme comme les autres, Rahimi, renvoyée à sa souffrance, son insécurité et à l’humiliation. Car si les minarets d’or s’illuminent la nuit, ils restent aveugles à la souffrance endurée. 

Salomé Ferraris 

(TW violences dans le film) 

Coup de cœur 3. The Innocents, Eskil Vogt

Âmes sensibles s’abstenir ! Ma claque ciné 2022 est le film d’Eskil Vogt. Durant 1h57 de suspense insoutenable, le scénariste nous enferme dans un huis clos au cœur d’une petite ville nordique. Une famille norvégienne emménage dans une barre d’immeuble d’une ville grisâtre. Les enfants deviennent rapidement amis avec le voisinage. L’innocence de l’enfance fait place aux responsabilités qu’engage le développement de pouvoirs surnaturels de certains. Durant l’intégralité du long métrage, Eskil Vogt nous montre à quel point la citation de l’oncle de Spiderman est plus compliquée à appliquer que ce que nous fait croire Spidey. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vécu une telle expérience en regardant un film durant lequel j’ai été tenu en haleine tout le long. Nous suivons les aventures de ces enfants qui passent la majeure partie de leur temps en groupe sans les parents, en jouant à des jeux candides. Cependant, cela se corse lorsque les pouvoirs mènent à des abus et des dérives. En permanence partagé entre la compassion que suscitent certains et les horreurs commises par d’autres, il est difficile de sortir de la salle sans avoir été chamboulé ou au moins touché par l’œuvre déroutante du réalisateur danois. Le tout est spectaculairement bien joué par les enfants protagonistes du film.

Mauro Bezerra-Perrone

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