Dimanche matin, entre les CC, les cours et les sorties, vous êtes fatigués et vous méritez bien de reposer votre cerveau après avoir passé la semaine à le torturer dans tous les sens. Que ce soit dans un canapé sous un plaid ou sous la couette sur votre fidèle ordinateur portable, vous allez regarder ce film tant mérité. Maintenant se pose l’épineuse et éternelle question : « Lequel ? ». Alors vous sondez les abysses sans fond des différentes plateformes de streaming et vos nombreux sites illégaux (pas à nous) pour essayer de trouver la perle rare qui égayera ce dimanche. 

C’est alors que dans une démarche que seuls les plus grands intellectuels (dont je fais partie) peuvent comprendre, vous choisissez un film finalement très simple, qui ne paye pas de mine mais qui a eu le mérite d’arriver jusqu’à vous. Il est mal noté, peu recommandé mais tant pis, vous cliquez. Après tout, deux heures dans une vie ce n’est pas grand-chose non plus. Une fois la fin du film passée, vous vous rendez compte à quel point c’était mauvais et combien ces deux heures auraient pu être bien plus productives même si vous n’auriez peut-être pas révolutionné l’astrophysique. 

Je suis ainsi arrivé au questionnement suivant : « Pourquoi est-ce que je m’inflige ça tous les weekends ? »

Duel ardu entre Jason Fitch (Paul Logan) et les megapiranhas (Megapiranhas, 2010)

Pour vous éviter d’avoir à y répondre par vous même, j’ai donc procédé à une introspection et une mise en abîme de moi-même pour comprendre pourquoi est-ce que l’on continue à regarder régulièrement (ou non) des films qui n’en valent forcément pas la peine.

Pour commencer, tous ces films sont souvent construits d’une manière similaire. Un synopsis moyen, un jeu d’acteur qui laisse à désirer, des effets cheaps et des décors d’une qualité similaire à ceux de la kermesse de votre école primaire. Cependant, c’est cette simplicité qui fait le charme de ces films. Moins prétentieux que les prétendus chefs d’œuvres, les nanars possèdent ce côté spontané et sincère. Comme le dit le réalisateur canadien Laperrière, « Pour le cinéphile, la salle de cinéma c’est la salle de classe. Pour la nanarophile, c’est la cour de récréation ! ». Le caractère rudimentaire du nanar permet aussi de rire et de passer un bon moment. Et finalement, n’est-ce pas ce que l’on recherche dans une œuvre de divertissement, peu importe le type de film que l’on s’apprête à regarder ?

Kadaver (2020), la bonne idée qui donne un immense raté : « mais non c’est pas vraiment mauvais, ils avaient une bonne idée quand-même de base, c’est pas si terrible en vrai, ça doit être une question de moyens… »

J’ai aussi une bonne nouvelle pour vous. Des chercheurs ont voulu savoir qui étaient les plus grands amateurs de nanars et il s’avère que ce sont les cinéphiles qui sont les plus friands des navets. Les amateurs de ces « mauvais films sympathiques » sont plutôt des personnes appartenant aux couches supérieures de la société. Une certaine élite au sein même des amateurs de cinéma. La crème de la crème, quel que soit le nanar. De plus, vous n’êtes pas seul. Il y a une importante communauté qui sait apprécier ces films moyens à leur juste valeur. Ainsi, les nanarophiles aguerris développent une compréhension exhaustive d’une série de codes parallèles insoupçonnés. Finis les termes techniques pompeux pour parler ciné (symétrie des plans, les jeux de champ contre champ et colorimétrie), apprécions le mauvais jeu d’acteurs, les dialogues qui ne servent à rien et les défauts de décors !

Savoir apprécier les nanars, c’est savoir apprécier le rapport ambivalent vis-à-vis de tout ce qui est tellement imparfait qu’il satisfait pleinement une part de nous. La part de nous-même qui porte tous nos défauts. Le nanar, parfaitement imparfait, nous réconcilie avec cette dernière. Mais l’aveu de cette affection est insupportable et indicible car exprimer la reconnaissance de nos défauts refoulés les fait plus que jamais exister. On les déteste alors publiquement, mais on les regarde jusqu’au bout, en les moquant et en les dévalorisant. C’est notre façon à nous de refouler ce plaisir coupable.

Mauro Bezerra-Perrone

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