Ceci est un article qui se complaît dans la grasse critique. À prendre avec toutes les pincettes qu’il vous plaira.

Ayant raté les deux précédents volets de la désormais saga culte française made in Bouzolles, c’est avec une certaine appréhension que je suis rentré dans la salle de cinéma, de peur d’avoir du mal à resituer l’œuvre dans son contexte. Je m’y suis en fait très vite sentie chez moi car Olivier Baroux inonde son film de somptueuses références cinématographiques. Les Tuche 4 est un film bergmanien dans la façon qu’il a de décomposer avec minutie les rapports familiaux. Les Tuche 4 est un film bressonien ne serait-ce que parce qu’il nous confronte à l’âpreté de la vie dans une campagne abandonnée par tous. Même Capra avec son magnifique La Vie est belle n’a qu’à bien se tenir face aux Tuche 4 tant le thème de la réconciliation la veille de Noël est l’élément moteur du film. Olivier Barroux confirme même avec brio l’adage de Godard qui disait que faire un bon film c’est « bien filmer les belles voitures ». La voiture… C’est l’élément clé du récit. En effet, difficile de passer à côté quand le réalisateur nous matraque le crâne de placements de produits Renault pendant 1h40.

Le scénario est très simple, il tient sur un ticket de métro : Jeff Tuche, interprété par Jean-Paul Rouve, n’est plus président de la République (je sais qu’on a vu un peu n’importe quoi à l’Elysée ces derniers temps mais y a des limites), pour l’anniversaire de sa femme, il décide d’inviter à Noël la sœur de sa femme, Maguy, son mari, Jean-Yves, et leur fille, Alice, des années après une grosse dispute ayant opposée Jeff et Jean-Yves au sujet d’une voiture.

Recette miracle pour ce film qu’on veut tous avoir au pied du sapin : on prend les mêmes et on recommence. On retrouve Jeff Tuche, le père, affublé d’une coiffure en forme de ragondin mort et d’un accent belge Eco + (ça vaut le coup de payer 10€ € sa place pour voir ça) ; la mère, Cathy Tuche, toujours affairée aux frites et au gratin en cuisine. L’actrice Isabelle Nanty interprète Cathy et sa sœur Maguy. Ça fait donc deux Isabelle Nanty dans le même film, merci Olivier Baroux, franchement c’était pas nécessaire. Il y a aussi le grand frère écervelé, Wilfried, qui cependant manie la prosonomasie et l’allitération mieux que Rimbaud. Petit florilège des meilleures fulgurances de Wilfried : un moment il est question d’une usine à jouet en bois, ainsi quand Wilfried entend Gepetto ce dernier répond en pouffant de rire « J’ai pété ». Et dans cette même usine, on fabrique pour les petits enfants un jouet nommé « Bobo le bâtard » par Wilfried. Pour finir les présentations, on a successivement cette pauvre Claire Nadeau qui s’est fait embarquer dès le numéro un et qui continue son numéro de singerie en mamie Suze, la grande sœur pas méchante dans le fond mais dont certains propos nous ramènent aux heures les plus sombres de notre histoire : « Ma mission c’est de repeupler Bouzolles… » (quid du droit des femmes selon Olivier Barroux) et enfin le petit dernier qui sauve la baraque du fait de son inexpressivité et de son absence pendant le film. Lui au moins n’est pas exaspérant. Et comme la magie de Noël opère même pour Les Tuche 4, on a le droit à des petits nouveaux dans le film interprétés par Michel Blanc et François Berléand. Ces deux-là cachetonnent y compris pendant la période de Noël, les fins de mois doivent être difficiles, tout le monde a des impôts à payer.

Alors ce gros gâteau bien lourd ça nous donne un film ni fait ni à faire, indigeste, interminable, d’un opportunisme insupportable tant pour élargir l’audience et gonfler les recettes, Olivier Baroux n’a négligé aucun thème : l’écologie, les GAFAM, la précarité de l’emploi…Les intentions du réalisateur sont tout à fait louables en nourrissant ce film des thèmes qui préoccupent l’actualité française, mais qu’il est difficile (voire impossible) de faire du cinéma uniquement avec des bonnes intentions ! Très vite Olivier Baroux tombe dans tous les pièges. En effet, on retrouve le même poujadisme que dans les numéros précédents, le même mépris pour les classes supérieures et les classes populaires. Le film est graillonneux, les personnages mangent des frites tout le temps, on se sent sali après ça, on a envie de prendre une douche en sortant de la salle. On fera quand même une petite exception sur la fin du film qui parvient à redonner le sourire au spectateur avec l’apparition du Père Noël, et ça, ça fait du bien.

Voir Les Tuche 4 m’a rappelé la citation de Billy Wilder qui disait que l’opéra c’est l’endroit où quand la pièce commence à vingt heure, on regarde sa montre deux heures après et il est vingt heure vingt. Alors petit conseil aux aventuriers ne craignant pas de se faire plumer par le réalisateur : quand vous entrez, mettez votre masque sur vos yeux et n’oubliez surtout pas de vous désinfecter les mains pour vous nettoyer de ces cochonneries.

Omer Gourry

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