TW : cet article parle d’agressions sexuelles et de viols et emploie ces termes de manière récurrente. 

Elles sont belles, elles ont du charme, elles remplissent tous les critères. Elles ont tout compris finalement, car elles sont soit jeunes et innocentes, soit charmantes et ambitieuses, elles savent bien parler, manipuler, envoûter et vont bien évidemment tout détruire autour d’elles. Car elles le peuvent et elles en sont capables, capables en une parole de bouleverser le destin de leurs proches, de leur entourage et surtout des hommes qui les entourent. Une seule parole va suffire alors pour qu’on les écoute, que tout le monde soit à leurs pieds et surtout que ceux qui leur ont fait du mal soient punis.

En un mot le scénario est bouleversé. Ces femmes et leurs paroles vont constituer le tournant du film, le basculement qui va tout changer. Mais pourquoi pas après tout ? On pourrait alors se dire que c’est fou, qu’un témoignage féminin puisse être entendu et écouté au cinéma alors que dans “la vraie vie”, dans les médias, les commissariats (etc.) leurs paroles restent en arrière plan, coupées et niées ! La voilà la bonne nouvelle !

Ainsi, on retrouve ces femmes et jeunes filles qui accusent et parlent dans différents films. Au travers de l’images de la « femme fatale » dans Mascarade de Nicolas Bedos ou encore dans L’Origine du mal de Sébastien Marnier (tous deux sortis en 2022), et même par le biais de celle de « l’innocente jeune fille » dans Atonement de Joe Wright et dans La Chasse de Thomas Vinterberg. Le point commun de ces films est le mensonge, les personnages féminins qui mentent, qui mentent pour parvenir à leur fin en faisant de fausses accusations d’agressions sexuelles.

Le mensonge soit, mais quel est donc le souci ? Le problème est qu’ici le mensonge concerne des fausses accusations d’agressions sexuelles ou de viols. Ces fausses accusations constituent un stéréotype très répandu dans notre société et qui se voit fortement représenté au cinéma. Un.e jeune adulte sur deux estime que les accusations de viol par vengeance ou par déception amoureuses sont fréquentes alors que lesdites fausses accusations représentent un pourcentage minuscule des dépôts de plainte ( à noter aussi que le nombre de dépots de plaintes reste toujours éloigné du nombre de victimes réelles).

Dans le cas de Mascarade, qui érige par ailleurs uniquement des personnages féminins totalement stéréotypés et misogynes, Margot (interprétée par Marine Vacth) est une femme hypocrite, machiavélique, séductrice qui élabore un plan avec son amant pour arnaquer un agent immobilier richissime. Quoi de mieux pour réussir son plan et envoyer cet homme en prison que de l’accuser d’un viol, qui n’a jamais eu lieu, car c’est elle la méchante et lui la victime.

Mascarade (Nicolas Bedos, 2022)

L’histoire se répète dans L’ Origine du mal, où Stéphane (interprétée par Laure Calamy) va pour aider sa belle famille fraîchement retrouvée, inventer une agression qu’elle n’a pas vécue. Comme ça, paf, uniquement pour raison d’héritage et d’argent (oui les femmes adorent l’argent, ça on l’avait bien compris). Il semble alors si facile de s’inventer des agressions sexuelles et cela devient alors tellement LA source de résolution de l’intrigue que cela nous invite à nous questionner sur la représentation que cela donne de notre société.

L’Origine du mal (Sébastien Marnier, 2022)

Si dans d’assez nombreux films, les femmes portent des fausses accusations contre les hommes et ruinent littéralement leur vie (financièrement, socialement, médicalement..), est-ce que ça ne serait pas le cas dans notre société ? (bien sûr que non). Mais dans ce cas, comment expliquer tous ces scénarios qui émergent et qui se développent autour de la question des fausses accusations de viol (liste non exhaustive dans cet article) ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce mythe qui crée une réalité concernant les fausses accusations ? Comment penser les scénarios de films qui utilisent les fausses accusations de viols pratiquement comme une “facilité scénaristique” pour punir les hommes, comme si celles-ci étaient un phénomène de société et aboutissant à une véritable sentence pénitentiaire ?

Car oui, les menteuses gagnent toujours. Les hommes finissent punis. Les pauvres. Elles sont alors représentées comme des presque sorcières, envoûteuses d’hommes. Manipulatrices, Tentatrices, Séductrices, tant d’adjectifs ayant en commun le même “suffixe” et qui reviennent inlassablement sur nos écrans. Cette image reste présente même lorsqu’elles incarnent une certaine innocence. Je revois très bien dans La Chasse, le focus sur le visage de cette petite fille menteuse après avoir injustement accusé l’ami de son père et instituteur de l’avoir violée. Elle était satisfaite, presque sereine. C’est ça le problème ici, le cinéma influence nos comportements, nos relations, nos préjugés et cette scène occulte toute problématiques liée au tabou de l’inceste, aux difficultés à prendre la parole lorsqu’on parle de viols et d’agressions, au fait que l’on remet constamment en question la parole des femmes et des enfants sur ces sujets !

La Chasse, (Thomas Vinterberg, 2012)

Avec ces mensonges, c’est l’équilibre initial du film qui berçait la vie des personnages qui va être renversé. C’est à cause de leurs paroles que tout va voler en éclats. C’est exactement le cas dans Atonement où l’accusation d’une petite fille envers le copain de sa sœur va bouleverser, de manière très négative et dramatique, le destin de l’ensemble des personnages. Et ça l’est encore plus dans La Chasse, dont l’intrigue tourne autour du destin d’un homme accusé à tort par une petite fille avec laquelle il était ami. Tout se passe comme si la société croyait les enfants et les femmes dans ces univers cinématographiques parallèles au nôtre, et qu’ainsi chaque accusation portée à l’égard d’un agresseur aboutirait à un jugement social et pénal. 

Atonement (Joe Wright, 2007)

Certains films sont alors souvent pensés comme accordant du pouvoir aux femmes, à servir la cause des féministes en représentant des femmes comme émancipées, comme indépendantes et prêtant alors peu d’attention à leur entourage. Ils mettraient les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes, créeraient un univers où leurs paroles comptent, oh génial ! C’est notamment ce genre de critiques qu’a reçu le film Mascarade de Nicolas Bedos. Mascarade et d’autres, qui mettraient en avant la paroles de femmes et jeunes filles, seraient des films foncièrement féministes (la bonne blague).

Encore et toujours, même en 2022, (2023 n’a qu’à bien se tenir) des fausses accusations qui réussissent et aboutissent sont représentées au cinéma. Ce qu’on oublie, c’est qu’au total, seuls 3 % des viols ayant donné lieu à un dépôt de plainte débouchent sur un procès en cour d’assises et franchement quelles accusations (qu’elles soient fausses ou vraies) gâchent véritablement la vie d’un homme (#PolanskiGate) de la même façon que celle de Lucas dans La Chasse l’est ?! Et bam avec cette seule donnée, toutes les fins de ces films n’ont alors désormais plus aucunes chances d’exister. A travers ces films émerge une impression qu’il est si facile de mentir, de se venger, de faire le mal en accusant faussement des hommes qui finiront forcément derrière les barreaux. Ici, les hommes “faussement” accusés sont emprisonnés, victimes et finissent dans les méandres de la société. Oh wow. Leurs intrigues se déroulant dans des univers qui ressemblent en tout point au nôtre alors pourquoi pas ? Pourquoi ne pas être davantage vigilant vis-à-vis des accusations d’agressions sexuelles et de viols ?

Sauf que moi, j’en ai assez de ces films qui répandent le faux et sèment le trouble sur des sujets de société vitaux. Je ne veux pas que les films racontent exclusivement la réalité, mais je veux qu’on arrête de créer une fausse vérité, une bulle, un scénario se fondant dans notre réel pour renforcer les stéréotypes et les mythes comme ceux des fausses accusations. Chaque année, on nous sort des grands films sur des fausses accusations d’agressions sexuelles et cela est encore une fois une occasion pour remettre en question la parole des victimes, bah oui, puisque qu’est-ce qui nous garantit que ce n’est pas une menteuse ? Qu’elle souhaite pas seulement se venger, tiens ? Les fausses accusations de viols et d’agressions sexuelles représentant 2 à 4% des accusations (Ces données restent difficiles à véritablement comptabiliser car elles dépendent notamment des pays, des instituts de sondage etc., mais ces chiffres sont là) et ne méritent donc clairement pas qu’on leur accorde l’importance qu’on leur prête actuellement au cinéma.

Emma Revillet

Pour aller plus loin concernant certains sujets abordés : 

Sur la tabou de l’inceste : 

Sur le mythe des fausses accusations de viol : http://egalitaria.fr/le-mythe-des-fausses-accusations-de-viol/

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2 commentaires

  1. Coucou, encore un super article très important !
    J’ai découvert ce type de film avec la bande-annonce de « Les Choses Humaines » d’Yvan Attal l’année dernière, qui était vraiment partout. Je ne l’ai pas vu donc je ne peux pas en juger, mais j’imagine fortement que ce soit le même constat : dépeindre les femmes comme des manipulateurs menteuses qui détruisent les vies de jeunes hommes innocents. « Depuis #MeToo, on peut plus être dans un ascenseur avec une femme sans avoir une plainte », ces critiques sont dégueulasses et de privilégiés, qui refusent d’affronter les responsabilités de leurs actions.

    Et oui, montrer ça dans la fiction influe sur notre perception du monde. Quitte à voir le procès entre Amber Heard et Johnny Depp de l’année dernière. Peu importe ce qui s’est passé entre elleux deux, la foule a pris un immense plaisir malin à mettre l’étiquette de monstre de Heard, comme si elle avait tout prévu de manipuler de A à Z. C’est un exemple de « oh mais vous voyez que les femmes aussi peuvent être méchantes » qui a été exagéré, sorti de son contexte et instrumentalisé contre #MeToo.

    En ce qui est de montrer une forme de réalité parallèle qui ne fonctionne pas comme la nôtre, l’idée n’est pas forcément mauvaise, quand elle sert un but précis. ça peut servir à établir des contrastes ou commentaires sur des choses qui, lorsque sous un autre point de vue, prennent un autre sens. Or, dans les films que vous citez, l’objectif est justement d’être « réaliste », ce qui rend la démarche encore plus malhonnête envers les femmes. Pendant ce temps, trop peu de films montrent comment des mensonges d’hommes nuisent aux vies des femmes.

    Juste, je ne me souvenais pas de ce plan sur le sourire de la fille dans La Chasse. Je me souvenais plutôt qu’elle n’avait pas réalisé les conséquences de son mensonge, et avait mené un mouvement de foule paranoïaque contre Mads. Il se peut que j’aie mal interprété cet aspect-là.

    Tout de même, merci encore pour cet article. Pour citer Promising Young Woman (que j’adore tellement), lorsque Carey Mulligan confronte enfin l’agresseur antagoniste, il y a un échange qui m’a marqué. Il dit que « les accusations comme ça sont le pire cauchemar pour un homme », ce à quoi elle répond « can you guess what every woman’s worst nightmare is? ».

    (au passage la réalisatrice de ce film va jouer dans le film Barbie live-action de Greta Gerwig, qui sort dans exactement 6 mois)

    1. Coucou ici emma !

      Déjà, merci pour ton commentaire, ça me fait plaisir que tu l’ai lu :)) Concernant Les Choses Humaines, je ne l’ai pas vu non plus, mais tous les échos/retours dont on m’a fait part convergent vers l’idée qu’il dépeint la femme accusatrice comme une manipulatrice ahah… Il aurait effectivement sa place dans l’article, c’est clair et net, mais je me suis dit bon, je vais essayer de ne pas juger sans voir (même si oui cela est assez tentant).

      Le procès Heard et Depp, c’est vraiment la preuve qui nous montre, comme tu dis, à quel point il est plaisant de s’en prendre aux femmes, qu’il est important de montrer que oui les femmes peuvent être des « monstres ». Cela bien sûr en occultant le fait que toutes les semaines on apprend que des acteurs hommes sont des agresseurs, silence radio sur cela, ou alors petit article qui n’aura plus d’écho le lendemain disons. C’était un épisode médiatique vraiment dur en vrai, qui révèle, je pense beaucoup sur notre époque considérée comme post MeToo.

      Concernant ces « réalités parallèles » dans les films, ce sont bien elles que je critique, elles se font passer pour le réel. Car ces films même s’ils ont des caractéristiques similaires à la nôtre montrent des femmes triomphantes de leurs mensonges, mensonges leur permettant de mettre leurs victimes en prison par exemple. Ce qui n’est pas le cas dans notre société dans laquelle les femmes ne font en réalité jamais de fausses accusations d’agressions sexuelles tout comme les hommes restent impunis. Ces films font alors « semblant » de montrer le vrai, de raconter du concret alors que l’impunité règne toujours.

      PS : Promising Young Woman est effectivement un super film tout comme le barbie movie promet de l’être. Rdv en salle pour s’en assurer 🙂

      Merci bcp,

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