L’Inconnu du Lac est le chef d’œuvre de son auteur. En 1h30, Alain Guiraudie orchestre un amour mortifère, sublimé par ses interprètes principaux. 

L’Inconnu du Lac est un film insolent et honnête qui, un matin de juin 2013, a tout pulvérisé. Avec un style aussi vrai qu’une poignée de sable et aussi franc que le soleil du mois d’août, on suit Franck, un jeune homme sans histoire, qui « fait les marchés », qui aime les lacs de la région et surtout le lac du film. Comme n’importe quel touriste venu se dorer la pilule, Franck gare sa vieille R25, enfile un slip de bain un peu ringard, pose sa serviette sur le sable chaud de la plage naturiste, retire son slip et fait quelques longueurs. Mais Franck ne vient pas au bord de ce lac pour nager, il vient pour draguer et faire l’amour avec des inconnus le temps d’un après-midi. Ce lac est un point de rencontre où des hommes patientent, se scrutent, font l’amour, cachés derrière des buissons tout en restant suffisamment visibles pour attirer les regards de futurs amants. Franck tombe amoureux de Michel, alors en plein ébat sous un bosquet. Michel est grand, musclé et séducteur. Avec lui c’est différent, c’est moins mécanique, c’est plus passionnel. Mais jusqu’où ira la passion quand un soir, Franck surprend Michel commettre l’irréparable ?

   L’Inconnu du Lac reprend largement les codes de la tragédie (unité de temps, unité d’action et unité de lieu). On y trouve un confident, Henri, quadragénaire soucieux et méfiant de la passion de Franck pour Michel : « Ok, il est beau, il est bronzé, il est musclé, il est bien foutu. Tu t’en rends peut-être même pas compte tellement t’es amoureux…mais je te jure qu’il est bizarre » dit Henri à Franck. Comme un repère, Henri s’assoit au même endroit, ne se baigne pas. Il écoute attentivement Franck comme un ami ce qui en fait une menace aux yeux de Michel car il en sait trop. Au milieu du film, l’idylle vire au thriller dans un environnement resplendissant où l’on voit le vent balayer des grands pins et ce lac resplendissant, possible foyer du danger car un silure de 10m y aurait englouti un nageur. 

   L’économie de moyen dont dispose Guiraudie intensifie les effets dramatiques et sert une mise en scène sensorielle, d’une franchise absolue, qui, malgré une atmosphère angoissante, donne envie de vivre dans le film. Un bruissement de feuilles, une voiture anormalement restée sur le parking ou une branche qui craque sont autant d’indices et de dangers qui saisissent le spectateur. Le récit embrasse plusieurs genres, plusieurs questions et notamment la question du SIDA quand il s’agit pour Franck, d’aimer malgré une menace qu’il ne veut pas voir.  

Dialogue entre Henri et Michel (Henri a la première réplique) 

« Ils ont repêché un noyé ce matin, déjà que le silure en avait refroidi plus d’un.

 – Le silure ça attaque pas l’homme.

 – C’est pas parce qu’on l’a jamais vu que ça se peut pas.

 – Vous pensez à un meurtre ?

 –  A ta place, j’aurais peur. » 

Omer Gourry

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