TW : dans ces quelques lignes un viol, des violences, du sang (beaucoup de sang) et des spoils seront mentionnés.
Jen (Matilda Lutz) est belle et séduisante, elle descend d’un hélicoptère accompagnée de son amant Richard (Kevin Janssens) en slow motion, boucles d’oreilles en formes d’étoiles, lunettes de soleil sur le nez, vernis rose et sucette en bouche. Alors que le couple passe le weekend dans une gigantesque villa, iels sont interrompu.e.s par deux amis de chasse de Richard arrivés plus tôt que prévus… Seule et entourée par ces hommes, elle devient l’objet de leurs fantasmes. C’est à ce moment, non pas comme l’explique le synopsis du film, que “les choses dérapent”, mais, qu’attention spoiler, un de ami de Richard viole Jen, que tous les hommes présents deviennent complices de celui-ci et qu’elle tente de partir en les dénonçant.
C’est à partir de là que la jeune femme fantasmée à la fois “bimbo” et “lolita” cesse d’être un pur objet de convoitise pour ces hommes. Elle devient un problème pour eux. Elle n’est plus seulement un corps. Elle veut et peut tout raconter. Cette peur qu’elle parle et “nous envoie directement en prison” (phrase prononcée par Richard) va tout bouleverser. Ils deviennent prêts à tout pour qu’elle se la ferme. Mais, alors qu’elle est laissée pour morte, totalement martyrisée et ensanglantée en plein désert, elle va reprendre vie. Ding dong, l’heure de la vengeance sonne et Jen devient redoutable et s’adonne alors pleinement à une chasse à l’homme sanguinaire.
Il y a des films qui vous marquent au fer rouge à vie ! Et Revenge de la fantastique Coralie Fargeat en fait partie. Une fois visionné, il est impossible d’oublier toute la violence et l’intelligence de ce film qui apporte un regard nouveau au style plutôt controversé des Rape and Revenge films. Les scénarios des films appartenant à ce sous-genre cinématographique sont construits en plusieurs parties, la première dévoilant le viol de la protagoniste et la seconde se concentrant sur la vengeance de celle-ci et donc sur le (souvent) meurtre cathartique de l’agresseur. Cela étant dit, les Rape and Revenge films restent connus pour leur voyeurisme, sexisme et leur délibérée romantisation du viol.
Même si la réalisatrice n’accepte pas vraiment cette dénomination pour définir son film qu’elle préfère définir comme étant un Revenge movie tel Rambo de Ted Kotcheff ou encore Kill Bill de Quentin Tarantino, il est quand même question dans ce film d’un viol et de la recherche de justice par la vengeance, d’où les rapprochements possibles entre Revenge et les Rape and Revenge films. Alors, à la différence des films du genre, ici, la scène de viol est expéditive et dénuée de toute sensualité. Même si elle devient le symbole de “tout un ensemble de stéréotypes, de schémas, de comportements qu’on projette sur les femmes”. ici, une fois subi par Jen, le viol n’est plus mentionné. La réalisatrice n’en fait pas un sujet spécifique, il ne définit pas le film et ce même si la scène reste violente et qu’elle marque un bouleversement de la tonalité de celui-ci.
Ce qui est à la fois génial et intéressant dans Revenge, c’est le personnage de Jen. Ce sont les évolutions de son rapport au corps et comment la caméra les montre pour finalement la révéler. Au début Jen est présentée comme une femme sexy, bien dans sa peau. Elle rassemble plusieurs caractéristiques stéréotypiques du personnage de “la bimbo”. Ces aspects de féminité exacerbés lui accordent alors le droit d’être maltraitée. On nous amène à croire que ce viol est inévitable car évidemment elle s’est dehanchée devant son agresseur la nuit précédant son agression. Au début, la caméra qui la suit est portée par un œil masculin, de manière très exacerbée voire caricaturale. Des gros plans sur le corps encerclé de Jen sont réalisés. Elle est comme prise au piège par ces hommes et la caméra qui embrasse largement leur point de vue. Aussi, si au début la couleur rouge est attribuée aux personnages masculins du film, Jen va de plus en plus s’approprier et gagner ce rouge. Au travers des lumières qui l’héroisent et parce qu’elle fait saigner ces hommes. Un par un. Elle devient le rouge. Elle se transforme. Même si elle a toujours été forte, on le constate désormais vraiment. À chaque coup qu’elle porte, elle se forge. Et a contrario, les hommes, eux, sont tournés en ridicules, ramenés à leur nudité, à leur peur panique de la femme qui les course. Jen, elle, apparaît comme étant plus forte que jamais, son arme cachant sa presque nudité et la caméra dévoilant la puissance de son corps.
Entre ultraviolence et gros plans sur les boucles d’oreilles pleines de sang en forme d’étoiles de Jen, Revenge fait de l’horreur et du gore notre allié. Il révèle à quel point le gore c’est trop chouette et que nous manquons cruellement d’héroïnes badass sur grand écran qui mettraient en lumière les pouvoirs cathartiques de l’horreur et du sang.
Merci Coralie Fargeat.
Emma Revillet