La série, écrite et produite par Léna Dunham, suit les mésaventures de jeunes new-yorkaises, naviguant entre amour, déceptions et désillusions. Durant 60 épisodes, elle s’est acharnée à déconstruire le male gaze et les clichés sur la vie à Brooklyn. 6 ans après le final, que reste-il du message porté par Girls ? La série restera-t-elle comme un inconditionnel du genre ? Et comment apprécier la série malgré les nombreux propos problématiques de sa créatrice ? 

L’article est garanti 100% sans spoiler !

Hannah Horvath a 24 ans et rêve d’être écrivaine. Très vite, on aperçoit que, derrière sa gentilesse, se cache en réalité une personnalité très égocentrique. Hannah est incarnée par la créatrice de la série elle-même, et Léna Dunham ne se fait aucun cadeau : dans le pilote, Hannah prononce la fameuse phrase devenue célèbre « I think that I may be the voice of my generation ». Rien que ça. Lorsqu’elle apprend la mort de son éditeur dans des circonstances tragiques et glauques, son premier réflexe est de demander si cela va interférer avec la sortie de son livre. Autour d’Hannah gravitent d’autres personnages, tout aussi tourmentés. Sa “meilleure amie » depuis la fac, Marnie Michaels, enchaîne les expériences désastreuses, en faisant un personnage profondément tragi-comique. L’excentrique Jessa Thompson et la touchante mais superficielle Shoshanna Shapiro viennent compléter le casting. À elles 4, c’est tout une nouvelle génération de jeunes adultes qui est mise en avant, perdue entre les opportunités mais aussi les défis de notre monde contemporain. Une génération qui doit aussi faire face à l’effondrement de ses repères traditionnels, l’amour entre autres. 

En effet, l’amour y est rarement montré comme une force vertueuse ou saine, et les scènes intimes ne sont jamais très sexy. C’est à la fois ce qui fait la force de Girls, et ce qui rebute tant de spectateurs. Girls n’est pas une série feel good, comme les grandes sitcoms Seinfeld, Friends ou HIMYM : les personnages sont pour la plupart des anti-héros et anti-héroïnes, rarement capable d’empathie, de gentillesse, et souvent montrer en train d’échouer. L’amitié n’y est qu’un mythe : les personnages se critiquent entre eux, se trahissent, et se disputent. 

D’où certaines critiques sur le ton de la série : jugée trop méchante, déprimante et misanthrope par certains, elle est au contraire d’une assez grande légèreté, pour qui sait prendre du recul sur ce qu’il regarde. Girls n’est pas une série à prendre au premier degré ; elle n’invite cependant pas non plus à la moquerie de ses personnages, dont les heures de gloires sont souvent inexistantes. Elle met en scène la détresse d’une bande de personnages pris dans la période la plus difficile de leur vie : la vingtaine, le moment où l’on doit faire ses preuves. 

Girls est presque thérapeutique : elle nous apprend que ça n’est pas grave d’être célibataire, de ne pas s’entendre avec sa famille, et que le travail n’est jamais aussi passionnant qu’il paraît l’être. Elle montre qu’il n’y a rien de plus naturel qu’échouer, parce que c’est dans ces moments de vulnérabilité que l’on y puise nos plus grandes forces. Malgré les humiliations, les personnages finissent toujours par se relever ; surtout Marnie, qui a le don pour se retrouver dans des situations vraiment gênantes. Comme lorsqu’elle s’incruste à une soirée d’entreprise et chante une reprise a cappella de “Stronger”, mettant mal à l’aise le spectateur, et tous les personnages autour. 

De 2012 à 2017, la série, produite par la chaîne HBO, connue pour la liberté qu’elle accorde à ses auteurs, a beaucoup fait parler d’elle, surtout outre-Atlantique, car la série n’a jamais vraiment pris en France. Et les discussions qui ont émergé en marge de sa diffusion en disent long sur notre époque : si les années 2010 voient le triomphe Games of Thrones, dont la nudité est omniprésente durant les 4 premières saisons, Girls n’a pas bénéficié de la même réception médiatique. La nudité dans Girls a beaucoup été décriée, alors que pour Léna Dunham, il s’agissait de lever le tabou sur les canons de beauté à la télévision, qui dépeint des physiques toujours identiques et tous soi-disant « parfaits ». Girls a voulu mettre en évidence que le réel n’est pas aussi propre, ordonné et lisse que les séries veulent bien nous faire entendre.  

Et cela n’a pas manqué d’éveiller une flopée de critiques et de déclarations  misogynes  : en 2013, l’animateur de radio américain Howard Stern, connu pour ses  nombreux dérapages, a déclaré : « Léna Dunham est une petite grosse fille qui ressemble à Jonah Hill et à chaque fois qu’elle enlève ses vêtements, c’est comme si l’on me violait ». La violence de cette déclaration suffit à montrer combien il était nécessaire de mettre le doigt sur la misogynie ambiante qui continue à persister. La dernière saison,  diffusée en 2017, soit quelques mois avant l’arrivée du mouvement #MeToo, n’a pas empêché Girls d’évoquer le harcèlement sexuel tout au long de la série et notamment dans l’excellent épisode « American Bitch » de la saison 6.

Girls est donc une série qui met mal à l’aise une grande partie de spectateurs, dont certains reprochent  de voir encore et toujours une série sur des personnages privilégiés. Plus généralement, le succès de la série et sa postérité ont été quelque peu mis à mal par les polémiques entourant sa créatrice. Léna Dunham n’a pas sa langue dans sa poche – cela fait partie de son style – mais cela lui a valu plusieurs fois un retour de bâton médiatique. En 2017, elle défend l’un des auteurs de la série accusée d’agressions sexuelles ; une autre fois, elle déclare dans un podcast, que son plus grand regret est de ne jamais avoir avorté. Girls est à l’image de sa créatrice, impertinente, offensante, parfois insupportable, et trash. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on doit renier tout ce qu’elle  a apporté comme fraicheur dans le monde des séries : la vie à New York n’avait jamais été dépeinte de façon aussi réaliste, c’est-à-dire chère, infestée de rats, et éprouvante.

Girls fut aussi le repaire de nouveaux talents pendant 6 ans : avant de jouer Kylo Ren dans Star Wars 7, Adam Driver y fait ses premiers pas en tant qu’acteur, incarnant Adam, petit ami intermittent d’Hannah et dont on suit les aventures parallèlement. La série est également un nid à guest stars : Childish Gambino, Patrick Wilson, Jenny Slate etc… Chaque apparition apporte un plus à l’épisode : l’apparition d’Amy Schumer au début de la saison 3 dans le café de Ray – modestement appelé The Ray’s – restera à jamais un moment d’anthologie. 

Si jamais vous décidez de vous lancer dans l’épopée Girls, préparez-vous  à faire chauffer Shazam. La bande-son complète compte plusieurs centaines de chansons, vintages et contemporaines. Tracy Chapman, Kendrick Lamar, Judy Collins, tout le monde y est ! 

 Les six saisons de Girls sont disponibles sur Amazon Prime Vidéo, avec le Pass Warner. 

Enfin en bonus, on ne peut pas te laisser partir sans te citer quelques-unes des meilleures répliques de la série, souvent prononcées par Shoshanna, qui est peut-être bien la voix de notre génération. 

5/ “Guys, we’re so disconnected. I thought this would just be a nice opportunity for us to have fun together and prove to everyone via Instagram that we could still have fun as a group.” – Marnie Michaels 

4/ “I don’t want this to be awkward, but like you look amazing. Like seriously, you could have sex with like any girl at this party including me. Oh my God.”. Shoshanna Shapiro 

3/ “I may be deflowered, but I am not devalued”. Shoshanna Shapiro

2/ Do you know what the weirdest part about having a job is? You have to be there every day, even on the days you don’t feel like it.”. Jessa Thompson

1/ Unstimulating ? What are we ? In like a fucking Jane Austen novel ?”. Shoshanna Shapiro

Raphael Dutemple

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