In the Mood for Love, le film de Wong Kar-wai qui lui vaudra la deuxième place du top 100 des films du siècle de la BBC. Saviez-vous que le titre québécois était Les Silences du désir ? Peut-être que cela est un titre encore plus représentatif de ce film où les sentiments non-dits sont ceux dont on se souvient le mieux.
Mme Chan (Maggie Cheung) vient d’emménager avec son mari dans un appartement loué par Mme Suen. Elle semble être le parfait stéréotype de ce qu’on attendait des femmes dans les années 60 : discrète, docile. Sa vie basculera lorsque Mr Chow (Tony Leung qui gagnera le prix d’interprétation à Cannes pour sa performance) et sa femme emménageront dans l’appartement juste à côté du sien. Rien ne prédestinait ces deux personnes à se rencontrer mais au fur et à mesure que les jours avancent, chacun commence à comprendre que leur conjoint ont ensemble une liaison amoureuse. S’en suivra alors un début de proximité entre nos deux personnages centraux qui tenteront désespérément de comprendre comment cela a pu se produire. A coup de réflexions, de jeux de rôles pour percer à jour le point de départ de l’aventure. Pourtant, ce ne sont pas des réponses à leurs questions qu’ils finiront par obtenir à force de se voir, mais des sentiments. Le départ de Mr Chow pour le travail à Singapour et sa proposition à Mme Chan de l’accompagner semble être un parfait nouveau départ pour ces deux âmes trahies, seulement voilà, si les choses étaient aussi simples, les sentiments seraient moins forts. Ils ne se reverront jamais mais ne s’oublieront pas, malgré la distance entre eux qui sera parfois de seulement quelques mètres. La caméra de Wong Kar-wai développe en toute pudeur l’amour naissant entre ces deux personnes, les regards (dont l’intensité de celui de Tony Leung nous donne encore plus envie d’y croire), le thème récurrent Yumeji’s theme de Shigeru Umebayashi ne font qu’intensifier leur affection mutuelle.
Aucun des deux personnages ne s’oubliera et le film offre au spectateur un sentiment de frustration profond, car nous les voyons toujours se rater à quelques secondes près. Un coup de téléphone où l’on n’ose pas parler lorsque l’autre décroche, une arrivée un peu trop tard pour ne pas découvrir que la personne habite juste à côté. Pourquoi ne peuvent-ils pas être ensemble après tout ce qu’ils ont traversé, que ce soit seuls ou à deux? On a envie de rentrer à l’intérieur, de devenir un personnage et de leur hurler que l’autre est à côté et que lui non plus ne l’a pas oublié. « Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour moi, je ne peux pas voir deux êtres s’aimer au point de ne pas s’oublier malgré les années, ne pas être ensemble. C’est injuste ». Mais aurions-nous eu le courage de dire les choses au bon moment ?
La citation, selon moi parfaite pour ce film, « Il se souvient de ces années révolues. Comme s’il regardait à travers une vitre poussiéreuse, il peut voir le passé, mais ne peut pas le toucher. S’il parvenait à la briser, il pourrait y retourner. », conclut le film. Un amour qui ne sera jamais vécu ne veut pas dire que c’est un amour qu’on oublie. Il leur fallait quelques secondes de plus, un peu plus de courage et s’ils avaient su, ils n’auraient pas craint de dire les choses.
Peut-être que le film nous apprend quelque chose : l’amour hypothétique est celui qu’on n’oublie pas, car si l’amour n’est pas vécu, alors il ne se finit jamais mal.
Louizon Pertriaux