Un succès incontestable. Avec 2,9 milliards $ de recettes pour un budget de 493 millions de dollars répartis sur quatre films, la saga Hunger Games, au cinéma, est une affaire qui marche. Et Lionsgate l’a bien compris : la société de production a annoncé la sortie d’un nouvel opus. Baptisé La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, le film reviendra sur la jeunesse du président Snow, dirigeant tyrannique de la saga originelle. Sortie prévue le 17 novembre prochain.
Dix ans après leurs sorties dans les salles obscures, les long-métrages adaptés des romans éponymes de Suzanne Collins continuent à faire parler d’eux. La preuve, sur TikTok, le hashtag #HungerGames cumule plus de 9 milliards de vues. Certains utilisateurs multiplient les edits, ces montages vidéos autour de l’histoire. D’autres partagent leurs scènes préférées et présentent leurs cosplays à leurs abonnés. Et, si les fans se chamaillent souvent dans les commentaires pour savoir qui de Peeta Mellark ou Gale Hawthorne aurait dû finir avec l’héroïne, Katniss Everdeen (vos auteures préférées sont évidemment #TeamPeeta), tous sont unanimes : le deuxième volet de la saga, Hunger Games l’embrasement, est incontestablement le meilleur.
Le pitch ? Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence) a remporté la 74e édition des Hunger Games avec son partenaire Peeta Mellark (Josh Hutcherson). Ils sont obligés de partir faire la Tournée de la victoire dans tous les districts. Au fil de son voyage, Katniss sent que la révolte gronde à Panem, mais le Capitole exerce toujours un contrôle absolu sur les districts tandis que le Président Snow prépare la 75e édition des Hunger Games, les Jeux de l’Expiation. Avec une surprise à la clé : les tributs de ces Jeux seront tous désignés parmi les anciens vainqueurs.
I’ve Been Watching You. And You Watching Me
Sur le papier, rien de nouveau. Pourtant, une scène marquera à jamais l’esprit des 500 millions de fans qui se sont pressés pour voir le deuxième film de la franchise : l’arène dans laquelle se déroulent les Jeux. Ici, pas de forêts apocalyptiques, d’effets spéciaux impressionnants ou de nuages noirs à l’horizon. Mais une simple plage, ronde, bordée par la mer, aux abords d’une forêt luxuriante. On est loin du champ de bataille. Des dialogues à la bande originale, c’est sur cette bande de sable que le sort de deux amants va se sceller. Et avec eux, le sort de tout un pays.
Car malgré les apparences, cette plage n’a rien d’idyllique. Pas de transats, d’enfants qui gambadent gaiement dans l’eau ou d’odeur de crème solaire. Cette plage est une arène. Un plateau télévisé grandeur nature oùu 24 participants doivent s’affronter jusqu’à la mort. La métaphore a de quoi faire sourire. Le Capitole se sert d’un lieu joyeux et le transforme en cauchemar. Comme il a fait de la vie des habitants de Panem un enfer. Et des tueries, un jeu télévisé annuel pour contrôler le peuple par la terreur. Génie cruel, quand tu nous tiens.
L’intrigue de L’Embrasement se sert de l’arène des Jeux pour aborder de sérieuses et brutales vérités. Le film révèle les horreurs de ce monde d’une manière si impassible que l’on oublierait qu’il s’agit d’un film pour jeunes adultes. L’arène a été façonnée comme une horloge avec un piège sur chaque zone, à chaque nouvelle heure. Pluie de sang, vagues meurtrières, singes enragés, foudre à minuit… Les douze plaies du Capitole s’abattent une par une sur les 24 champions.
Even the strongest among them cannot overcome the Capitol
L’heure tourne. Les aiguilles défilent. Le bruit du canon comptent les morts. La caméra tournoie et accélère au rythme de cette plage-horloge meurtrière. Un rappel de toutes ces années passées sous le joug du Capitole et de son président, Snow, incarnation du pouvoir totalitaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’horloge a été choisie comme symbole des 75e Hunger Games. Comme le rappelle le président Snow, cet affrontement à mort a une visée politique : «Rappeler aux rebelles que même les plus forts d’entre eux ne sauraient l’emporter sur le Capitole». Plus noir, ce deuxième volet de la saga dystopique approfondit le discours politique et relate les prémices d’une révolution en marche contre un système totalitaire où la violence et la mort sont la distraction des puissants. Sacrifice, révolte et manipulation sont les maîtres mots de ce blockbuster hollywoodien qui porte une réflexion intelligente sur la résistance et le pouvoir.
L’heure tourne. Les aiguilles défilent. Le bruit du canon comptent les morts. Entre trahison, alliances et coups bas. Chacun y va de ses magouilles pour sauver sa peau. Mais tous vont devoir faire équipe contre une puissance plus obscure : celle du Capitole. Il faut agir vite. Katniss et ses camarades de fortune comprennent que la guerre approche. Mais nos héros sont loin d’en avoir l’âme, prêts à tout pour sauver le monde. La révolution n’est qu’une énième conséquence des actes sordides du Capitole. Car, qui agit contre son peuple depuis près d’un siècle ? Qui a aiguisé la haine de ses sujets en les forçant à sacrifier leurs enfants ? Qui a forcé Katniss, devenue malgré elle un symbole d’espoir, à retourner tuer dans l’arène ? Le Capitole. Encore et toujours le Capitole. Snow a peur de Katniss, de ce qu’elle représente. “La peur ne fonctionne pas tant qu’ils ont de l’espoir, et Katniss Everdeen leur donne de l’espoir”, explique le Président en début de film. En voulant détruire notre héroïne, il précipite l’inévitable. La révolution est en marche.
L’heure tourne. Les aiguilles défilent. La foudre frappe. Le bruit du canon comptent les morts. Le plan des rebelles coincés dans l’arène aussi. Tout est millimétré. Tout est prévu depuis bien longtemps. Quelques échanges de regard entre les participants, une robe de mariée qui s’embrase et se transforme en geai moqueur laissent entrevoir quelques indices en début de film. Tous le savent. Sauf notre héroïne, aveuglée par son but ultime : sauver sa peau, et celle de Peeta. Ce dernier, lui, a tout prévu. Il manigance avec Haymitch, son mentor, depuis sa première minute à l’écran. Un énième jeu de dupe entre les amoureux. Car après tout, leur histoire d’amour n’existe que devant les caméras. Non… ?
I think we need to go.
Ça, ça reste à voir. En plus de l’importance symbolique que porte ce lieu dans la construction du récit révolutionnaire, la plage est un élément central dans la relation que développent les deux personnages principaux de la série : c’est le théâtre de la confession de notre héroïne tressée.
En effet, si les sentiments de Peeta à l’égard de Katniss sont clairement énoncés dans le premier volet de la série, ceux de Katniss pour Peeta sont opaques. Entre jeu, confusion et amitié, personne ne sait ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, et encore moins la première intéressée.
Alors que le reste du groupe se prépare à exécuter la stratégie mise au point par Beetee, le cerveau, visant à éliminer les tributs “carrières”, Peeta et Katniss se concertent à l’écart des autres. Quand il ne restera plus dans l’arène que les membres de l’alliance, quelle sera l’issue des Jeux ?
You have to live.
Lors de cette scène, Peeta tente de convaincre Katniss de le laisser mourir et révèle ainsi la véritable nature de ses sentiments. Sachant qu’ils ne pourront pas, cette fois-ci, sortir vivants tous les deux de cette Expiation, Peeta confie à Katniss le médaillon qu’il a demandé à Effie, symbole du lien qui unit les deux tributs du 12 à leurs amis et mentors. En l’ouvrant Katniss découvre qu’il contient un triptyque représentant Gale, Primrose et la mère de Katniss.
Peeta dévoile ainsi le plan qu’il a échafaudé de son côté avec Haymitch pour s’assurer que Katniss remporte les Jeux. Son seul objectif durant cette édition était de la protéger des autres tributs jusqu’à la fin et de lui rappeler, au moment fatidique, que ceux qui l’aiment ont besoin d’elle et attendent son retour.
L’amour qu’il porte à notre héroïne est un amour inconditionnel et invariable, désintéressé et altruiste. Prêt à mourir pour lui offrir un avenir, Peeta n’a jamais attendu quoi que ce soit de Katniss en échange de l’affection qu’il a pour elle, en dépit des actions de notre héroïne lors de leurs premiers jeux… à la différence de Gale.
I do. I need you.
Face à cette vérité, le voile se lève sur le cœur de Katniss : celui-ci bat à l’unisson avec celui de notre lover boy aux allures de golden retriever. A la suite de cette révélation, elle ne peut se résoudre à le laisser se sacrifier pour elle et lui avoue son amour.
Nos Amants Maudits™ partagent alors sur cette plage leur premier véritable baiser, en pleine conscience de ce qu’ils ressentent l’un pour l’autre. Un baiser qui n’est pas pour les caméras du Capitole, qui n’a pour vocation de convaincre personne. Ni Snow, ni les téléspectateurs, ni les tributs, ni les sponsors. Un baiser qui n’est pas non plus une réaction confuse à un sentiment de soulagement quand ils pensaient s’être perdus. Mais un vrai baiser : passionnel et personnel, rien que pour eux.
Cet instant précieux est cependant vite interrompu. Le groupe doit quitter la plage pour se diriger vers l’arbre de l’arène où la foudre frappe tous les jours à minuit. Ce faisant, Katniss et Peeta laissent derrière eux leur romance impossible, sur cette plage où les vagues effaceront bientôt le souvenir de leur amour.
L’arbre dont il est question symbolise la séparation des amants. C’est l’arbre du pendu que chante Katniss pour l’armée rebelle, le point de rendez-vous final de cette épreuve, qu’ils n’atteindront jamais.
Quand le plan échoue et que Katniss détruit l’arène, elle est évacuée par l’armée rebelle. Peeta, lui, est pris en otage par le Capitole. Sans adieux, Katniss et Peeta ne se reverront pas. Le jeune homme qu’elle retrouve dans les volets suivants est l’ombre de celui qu’elle aime, transformé et marqué à vie par les horreurs qu’il a connu dans l’enceinte du Capitole. La plage est donc un décor à la dualité douloureuse pour nos protagonistes : le lieu où leur amour naissant leur est dérobé aussitôt.
We leave the beach at dusk.
La plage de l’arène, cruel terrain de Jeux, scelle l’amour de nos héros et prépare simultanément les coulisses de leur séparation précipitée. Cette déchirure ricoche jusqu’à former un point de bascule majeur pour l’intrigue de la franchise : pour protéger ceux qu’elle aime, Katniss emprunte le chemin qui la mènera à chasser le “véritable ennemi”. A l’issue de ces 75e Jeux, le destin des deux tributs du district 12 glisse doucement entre les doigts de la noble cause qu’ils devront servir avant d’être réunis, des années après, quand la guerre aura pris fin et que les primevères auront recouvert les tombes de ses victimes. En attendant, il faut se battre, pour mieux se retrouver.
Angela Moschetto & Salomé Ferraris