De quoi (re)découvrir les films qui ont fait le bonheur des acédien.ne.s en 2023 ! 

1- Oppenheimer, Christopher Nolan

Trois ans après son Tenet (2020), qui avait reçu un accueil très mitigé, l’année 2023 a vu Christopher Nolan faire son grand retour avec un nouveau long métrage particulièrement attendu. A la fois admiré et critiqué pour ses habituels scénarios alambiqués, Nolan fait ici avec Oppenheimer le choix d’un film plus classique, adaptant à l’écran la vie du célèbre personnage éponyme ayant définitivement marqué l’histoire de l’humanité de son empreinte.

Si Oppenheimer a eu un tel succès, c’est en partie parce qu’il s’agit d’un film particulièrement riche, de par les thèmes à la fois historiques, scientifiques et politiques qu’il aborde. Christopher Nolan, plonge les spectateurs dans un monde complexe et captivant où la science, l’histoire et la moralité s’entremêlent de manière passionnante.

Dans une première partie, le film nous propose de suivre le jeune Oppenheimer au fil de son parcours académique au travers de l’Europe d’avant-guerre. Là, défilent à l’écran concepts scientifiques complexes et physiciens parmi les plus illustres qui soient, sans pour autant embrouiller le spectateur profane, qui se laisse guider au fil d’un montage plus que dynamique. Oppenheimer aura également marqué les esprits par sa B.O, composée par Ludwig Göransson, déjà à l’œuvre sur Tenet. Il allie dans celle-ci le rythme effréné de violons à des sonorités électroniques aux basses profondes, le tout offrant au spectateur une mélodie entrainante l’aidant à ne pas souffrir des 3h que dure Oppenheimer.

Peu à peu, le film se mute en une fresque politique. En effet, l’exploration du personnage central ne se limite pas à ses réalisations scientifiques, mais s’étend également à son engagement politique, et son attrait pour le communisme. Nous sommes alors témoins du Maccarthysme post-seconde guerre mondiale, mais aussi de la concurrence militaire entre les Etats-Unis et la Russie. Une partie conséquente du long-métrage est d’ailleurs consacrée au procès de Robert Oppenheimer, qu’on tente de rendre coupable de trahison, en raison de ses idéaux politiques.

Enfin, Oppenheimer offre une exploration nuancée des dilemmes moraux qui ont entouré le développement de la bombe atomique. Les thèmes de la responsabilité, du pouvoir et de la culpabilité résonnent longtemps après que les lumières se soient rallumées. L’excellente performance de Cillian Murphy (nominé pour l’Oscar du meilleur acteur), souligne brillamment le sentiment de culpabilité et les remords ressentis par Oppenheimer après le bombardement du Japon. Le film nous offre d’ailleurs une scène tout droit sortie d’un film d’horreur, dans laquelle Oppenheimer fait face à ses démons et réalise enfin l’étendue du mal qu’il a pu causer. Le personnage principal est également, à plusieurs reprises, qualifié de « Prométhée Américain », comparant l’inventeur de l’arme atomique au célèbre personnage mythologique connu pour avoir dérobé le feu sacré de l’Olympe, et en avoir fait dons aux humains, et dont le châtiment divin fut d’être attaché à un rocher pour que son fois soit dévoré par un aigle pour le restant de ses jours. Tout comme Prométhée a été puni pour sa générosité envers les humains, Oppenheimer est confronté à une culpabilité et à une responsabilité écrasante en raison des implications de ses découvertes.

Le film se conclut sur une scène glaçante, dans laquelle Robert Oppenheimer fait part à Albert Einstein de ses craintes quant à la possibilité d’une prolifération nucléaire, laissant le spectateur pantois, et résonnant tout particulièrement en ces temps où l’hypothèse de son utilisation dans un conflit de grande ampleur refait surface.  

Thomas Dembski 

2- Anatomie d’une Chute, Justine Triet

En montagne, un chien, un fils malvoyant, une chute, un procès, un suicide ? Le père, Samuel est retrouvé mort après une chute du haut du dernier étage : a-t-il sauté délibérément, sa femme l’a-t-il tué ? L’enquête débute.

La réalisatrice, Justine Triet, nous transporte ici dans une sorte d’entre deux : un documentaire réaliste de ce qu’est de vivre un procès et une fiction en exposant les tourments des personnages avec intelligence. La chute n’est qu’un prétexte pour plutôt extraire l’anatomie d’un couple, leur histoire et comprendre leur relation dans les détails sans réellement la saisir entièrement. On est balloté par des récits, des témoignages : l’enquête policière avance, mais décortique la complexité que sont les relations humaines. Il serait malhonnête cependant de ne pas citer ici l’Affaire SK1 de Frédéric Tellier (2014) qui expose le procès du tueur en série Guy Georges. En effet, les deux films exposent la justice française sous l’angle d’une joute verbale et démontrent tous deux la rudesse que peuvent être les mots.

L’amour, le remords, le doute sont omniprésents dans ce film et remarquablement balancés entre suspense et narration d’une vie finalement pas si rose qui s’expose face à la chute tragique d’un être humain. De l’humanisme est aussi ce qu’on ressent à la suite de ce film : être humain ; dans notre fragilité comme dans notre force et détermination, trouver ce point d’équilibre entre ce que l’on sait de l’autre et ce que l’on ressent face et par l’autre.

Marie Milet

3 – Aftersun, Charlottes Wells

Lorsque Sophie tente de se remémorer ses dernières vacances avec son père, Calum, les souvenirs du soleil tapant d’un mois d’août touchant à sa fin, des paysages de la Turquie de la fin des années 90 et des premiers amours tissés au bord d’une piscine d’un club de vacances se mêlent aux plans tremblants, maladroits, narrés par sa voix d’enfant, de courts moments de vie captés au caméscope il y a 20 ans. La réalité semble se confondre avec les souvenirs imaginés, le regard insouciant de la petite fille se joint à celui d’une adulte qui connaît l’issue de ces dernières vacances.

Dans ce premier film, la réalisatrice britannique Charlotte Wells signe le portrait bouleversant d’un père dont l’infinie tristesse ressentie à l’aube ses trente-et-un ans côtoie l’insouciance de sa fille obnubilée par une soudaine envie de grandir. Nous sommes embarqués dans l’enquête de la Sophie adulte, qui, venant d’atteindre l’âge tant redouté par Calum, cherche à reformer le puzzle et se reconnecter avec ce père dont elle n’avait jamais perçu la douleur. Seul le spectateur est autorisé à pénétrer l’intimité de ces moments de détresse auxquels Calum se livre en secret : son propre sang qu’il regarde perler sans un mot en se blessant par inadvertance, son dos nu parcouru de sanglots pendant une scène bouleversante de près d’une minute, son corps en équilibre sur la rambarde du balcon de leur chambre d’hôtel comme jouant avec une mort qu’il sait inévitable.

Mais comment aurait-elle pu voir cette souffrance ? À travers les souvenirs flous de Sophie, nous avons pour seule certitude que l’homme mystérieux et inaccessible qui se dessine à l’écran est un jeune père aimant et à l’écoute, montrant continuellement l’immense tendresse qu’il éprouve pour sa fille et usant du rire, de taquineries et de paroles rassurantes sur l’avenir pour taire la douleur qui le traverse. Calum et Sophie, chacun à un tournant de leur vie, ne se comprennent peut-être pas entièrement mais s’aiment totalement. Et c’est cet amour clairement visible qui rend encore plus difficile la tragédie qui s’annonce tout au long du film.

Aftersun tient aussi sa force de ses interprètes. Paul Mescal nommé pour l’Oscar du meilleur acteur pour cette performance, joue un personnage que le spectateur ne semble jamais capter entièrement. Tout le personnage s’incarne dans la pudeur du jeu de Mescal qui crée une barrière que le spectateur et Sophie ne pourront jamais franchir mais laisse néanmoins transparaître le mal être que Calum essaye de dissimuler et combattre à tout prix. 

Dans son tout premier rôle, Frankie Corio crève elle aussi l’écran du haut de ses douze ans en incarnant parfaitement le passage compliqué de l’enfance à l’adolescence.

Entre le souvenir et le rêve, une des dernières scènes d’Aftersun, mettant en scène Sophie adulte et son père au milieu d’une piste de danse éclairé par les flash de stroboscopes, semble cristalliser tout ce que Sophie n’a jamais pu dire à son père, toute sa culpabilité de n’avoir pas su voir ce qu’il traversait, toute une vie à lui en avoir voulu de ne pas avoir essayer plus fort pour elle, pour eux. La colère de Sophie est muette et son père semble aveugle à sa détresse, dansant les yeux fermés sur une version déchirante d’Under Pressure dont les paroles prennent un nouveau sens, se substituant presque aux mots que sa fille aurait tant voulu lui dire :

« Can’t we give ourselves one more chance? Why can’t we give love that one more chance? […] This is our last dance. »

Noa Smith

4- Barbie, Greta Gerwig

À BarbieLand, société ultra-matriarchiste, tout est tout beau tout rose (littéralement). Jusqu’au jour où Barbie stéréotypée se découvre des pieds plats, de la cellulite, et des pensées morbides. Accompagnée d’un Ken qui ne veut décidément pas lui lâcher la grappe, elle embarque dans une aventure vers le monde des humains pour se “réparer” et rétablir l’utopie.

Les rageux s’arrêteront à l’opposition très peu subtile entre matriarcat et patriarcat – et effectivement, le plot principal est assez grossier. Mais l’équipe du film n’a jamais eu la prétention de la finesse: ça reste un film Barbie – grosse franchise, gros studio, gros budget, grand public.

Pour ceux qui iront chercher un peu plus loin, peut-être que tout le message du film se cache dans les subplots. Et si les auteurs avaient transformé ce qui est, à l’origine, une blague sur l’inutilité des poupées Ken, en une fable sur la fragilité masculine ? À méditer… 

Libre à chacun d’apprécier les idées portées par Barbie, mais personne ne pourra nier la démonstration de talent que l’équipe a délivré: la reconstitution de l’univers plastique dans les moindres détails est jubilatoire (décors, costumes, langage corporel), la bande originale tourne en boucle dans nos playlists depuis cet été, tous les acteurs se donnent à fond (même pour un caméo)… C’est un film feel-good, tourné dans la joie et la bonne humeur, et le spectateur le ressent. Dans une industrie où la course aux récompenses prend de plus en plus de place, ça fait du bien de rappeler ce qu’est le cinéma (et Barbie) à la base : un jeu.

Alors oui, Margot Robbie et Greta Gerwig seront snobées par l’Académie des Oscars au profit de Ryan Gosling, big woop. Néanmoins, personne ne leur enlèvera la prouesse du phénomène culturel qu’elles ont engendré. Bien plus qu’un film. “They’re everything,…”.  

Léa Meimoun

5_ Perfect Days, Wim Wenders

Le synopsis est presque trivial : Hirayama, un employé de la ville de Tokyo chargé de nettoyer les toilettes publiques, répète inlassablement sa tâche. Pour un film d’un peu plus de 2h, cette soi-disant esthétique du caniveau paraîtrait rebutante au premier abord. C’est évidemment sans compter sur le talent de metteur en scène de Wim Wenders et la magnifique interprétation, couronnée par un prix au festival de Cannes, que donne Koji Yakusho à son personnage. 

Car si Hirayama accomplit son métier fièrement, il consacre son temps libre à la musique, la littérature, la photographie ou la culture de ses plantes. Ainsi voit-on se dérouler sur l’écran une routine quotidienne où chaque micro-événement éclate comme une épiphanie : un dialogue qui ne passe presque qu’exclusivement par l’écoute de Redondo Beach de Patti Smith, l’apparition d’un personnage familial inattendu qui lève un peu plus le mystère sur le passé d’Hirayama etc. 

Perfect Days est un enchantement de chaque instant. Après s’être un peu perdu dans le documentaire, Wenders revient en pleine possession de ses moyens et signe une réalisation minutieuse, sensorielle qui magnifie ces petits riens du quotidien ; petits riens sublimement accompagnés par une bande-son composée de grands classiques des années 60-70, de Otis Redding à Nina Simone en passant par Lou Reed, dont le célèbre Perfect Days donne son titre au film. Wenders confirme son talent pour filmer Tokyo comme espace poétique mais aussi comme espace de vie. 

Omer Gourry

6- Babylon, Damien Chazelle

Immense et immonde, excessif et exalté, démesuré et débridé, Babylon sonne comme une flamboyante lettre d’amour au septième art. Dans cette frénétique fresque du Hollywood des années 1920 qui reprend vie sur grand écran, Damien Chazelle retrace les destins de six personnages confrontés au passage du cinéma muet au cinéma parlant. Au cœur de cette folle période de transition, Manuel Torres (Diego Calva) et Nellie LaRoy (Margot Robbie) se rêvent de cette miraculeuse entreprise et tourbillonnent, passant du sublime à l’outrage, du majestueux au décadent.

À leurs côtés, l’acteur-star Jack Conrad (Brad Pitt), la critique Elinor St. John (Jean Smart), la danseuse et chanteuse de cabaret Lady Fay Zhu (Li Jun Li) et le trompettiste Sidney Palmer (Jovan Adepo) les accompagnent dans cette formidable aventure de cinéma. À la force des décors et des costumes, s’ajoute l’entêtante bande-originale de Babylon, fruit d’une nouvelle collaboration entre le compositeur Justin Hurwitz et Damien Chazelle. Intense, inoubliable et émouvant, Babylon aura été la meilleure manière de commencer 2023. Qu’il en soit ainsi pour celles et ceux qui plongeront bientôt dans les méandres de Babylon.

Clara Slimani

7Yannick, Quentin Dupieux

C’est l’un des films les plus courts de l’année 2023, mais sans doute, aussi, l’un des plus touchants et des plus pertinents. Encore mieux pour le réalisateur, Quentin Dupieux : ce film à succès n’a été tourné qu’en six jours et n’a été financé qu’avec des fonds propres, ce qui est tout à son honneur. Cette rapidité de tournage n’aurait pas pu être réalisée sans le talent de ses principaux acteurs : l’imprévisible Raphaël Quenard (Yannick), le cynique Pio Marmaï (Paul), la désopilante Blanche Gardin (Sophie) et le timide Sébastien Chassagne (William). Cet impressionnant casting, accompagné d’un scénario culotté et délirant qui a su manier habilement l’humour et la peur, explique la réussite du film.

Yannick, c’est d’abord la rencontre de deux univers, le cinéma et le théâtre. En effet, dans cette mise en abîme qui introduit du théâtre au sein d’un film — comme l’a fait entre autres Jacques Rivette dans L’Amour fou, Quentin Dupieux imagine ce que l’on ne peut pas faire dans une salle de cinéma ou derrière son écran devant un film : s’interposer et dire aux acteurs qu’ils jouent mal et que le scénario est atrocement ennuyeux. On ne devrait pas pouvoir non plus le faire au théâtre — c’est une norme implicite à laquelle le public se soumet — et c’est justement le dépassement de cette norme que le film met en scène lorsqu’un spectateur ordinaire, Yannick, un gardien de nuit qui vit à Melun, se lève et interrompt les comédiens pour se plaindre de ce que la pièce ne le distrait pas de ses problèmes du quotidien. C’est un nouveau concept qu’introduit Dupieux et qui nous fait rêver, à la fin de la séance : on imagine déjà qu’une pièce de théâtre reproduise ce scénario délirant, pour qu’un spectateur place le reste du public dans cette situation de fausse prise d’otages pour finalement sympathiser avec lui et imaginer une nouvelle pièce qui fasse rire l’assemblée. Ce serait alors le théâtre qui s’inspirerait du cinéma.

Par ce procédé, c’est une réflexion sur le théâtre et sur le rapport entre le spectateur et les acteurs que le film propose. Celui-ci met en scène un homme issu de la petite classe moyenne, vivant en banlieue parisienne, qui, puisqu’il est gardien de nuit, prend un jour de congé pour aller voir une pièce en soirée à Paris. Il ne fait donc pas partie de la classe supérieure des cadres parisiens qui consomment régulièrement du théâtre et du cinéma et pour lesquels se déplacer au théâtre ne demande pas un vrai effort, et s’oppose aussi aux acteurs appartenant à la frange intellectuelle de la population. Du fait de sa position marginale, il ne va donc pas hésiter à s’immiscer dans une scène pour dire aux comédiens, incrédules, que la pièce fait un four. Comme d’autres spectateurs, il aimerait se détendre et oublier ses problèmes du quotidien mais n’y parvient pas devant une pièce si mauvaise. S’engage donc qu’une réflexion sur le rôle de l’art dramatique : à quel point une pièce doit prendre en compte son spectateur ? Comment faire un art universel, qui ne soit pas qu’à destination des classes supérieures ?

Si la pièce jouée n’est intrinsèquement adressée qu’à un certain public, c’est surtout une véritable lutte des classes qui se joue dans ce film rocambolesque : Yannick, bien que dominé dans ce huis clos, ne va pas hésiter à devenir dominant en sortant une arme et en imposant son propre scénario aux acteurs. Le mépris que ressent le comédien Paul (Pio Marmaï) est aussi lié à sa perception de l’infériorité de Yannick, dont le parler se fait boiteux et difficile et dont le scénario qu’il décide d’écrire pour que les comédiens le jouent est bourré de fautes d’orthographe et de syntaxe : ils ne viennent pas du même milieu. Paul est le plus agressif, n’hésitant pas à essayer de mettre Yannick à la porte puis, lorsqu’il réussit à lui voler son pistolet, à l’humilier violemment en lui ordonnant de se mettre à quatre pattes et de lécher le sol. La violence de classe est donc extériorisée par Paul qui n’a pas supporté de se sentir en position d’infériorité pendant quelques minutes. Une violence que Yannick subit quotidiennement, de par son statut dans la société, de manière implicite.

Cependant, une certaine réconciliation s’amorce entre le public et Yannick, puisqu’ils parviennent tout de même à sympathiser. Cette fraternisation connaît son apogée lorsque, finalement, la pièce écrite par Yannick et jouée par les acteurs est hilarante pour le public : une preuve que l’art peut rassembler et dépasser les frontières de classe.

Diane Delacruz

8- Le bleu du Caftan, Maryam Touzani

2023 aura été une grande année pour le cinéma marocain, commencée sur les chapeaux de roues avec la sortie du Bleu du Caftan de Maryam Touzani. Prix de la critique internationale à Cannes et dans la sélection Un Certain Regard, le deuxième long-métrage de la réalisatrice a conquis critiques et spectateurs, devenant le film marocain comptant le plus de spectateurs en dehors de ses frontières, avec plus d’un demi million d’entrées enregistrées. 

Il a ouvert une année historique pour le cinéma marocain, tant ce dernier a brillé en festivals comme en salles. Un petit aperçu des films qui auront marqué :

– Les Meutes (Kamal Lazraq, premier film qui a remporté le Prix du Jury dans la catégorie Un certain regard à Cannes 2023), 

– La mère de tous les mensonges (Asmae El Moudir, sélectionnée pour représenter son pays aux Oscars 2024 après avoir remporté notamment le prix du meilleur documentaire ex-aequo et à Cannes 2023 et le Grand prix au Festival de Marrakech 2023), 

– Déserts (Faouzi Bensaïdi, sélectionné à la Quinzaine des cinéastes 2023), 

– Reines (Yasmine Benkiran, premier film présenté lors de la semaine de la critique à la Mostra de Venise 2022), 

– Fragments of Heaven (Adnane Baraka, Grand Prix du meilleur long-métrage documentaire arabe au Festival international du film d’Amman 2023)

Cette liste non exhaustive invite à suivre de près les trajectoires de ces cinéastes…

Eva Defouloy-Mosoni

9- Le règne animal, Thomas Cailley

Une ambulance renversée sur la route, des humains en mutation échappés. Le Règne animal dépeint une France où l’homme se sent menacé par une mutation qui le transforme en « bête ». A travers l’histoire d’Emile (Paul Kircher) et de son père (Romain Duris), des groupes d’ami·es, des liens familiaux, des relations de toutes sortes se tendent et se déforment face à la peur et l’incompréhension ambiante.

Les premières minutes du film sont décevantes. Romain Duris incarne un personnage autoproclamé anarchiste, dont les tirades morales agacent aussi bien son fils nonchalant que le·a spectateur·rice. Heureusement, quelques secondes plus tard, les scènes s’enchaînent et nous voilà captivé·es.

Tourné aux portes des Landes de Gascogne, le film offre à voir des décors naturels magnifiques, souvent filmés en lumière naturelle. Une prouesse. À l’heure de l’urgence climatique, Thomas Cailley a replacé l’espèce humaine au sein de la biodiversité à laquelle elle appartient, non en son centre. Des étendues de fougères à perte de vue, dans lesquelles se cachent des millions d’êtres vivants. Les champs de maïs deviennent tantôt un refuge, tantôt une piste d’atterrissage, nous rappelant Tom à la ferme (2013) ou La Mort aux trousses (1959), c’est selon.

Par ailleurs, imaginer un long-métrage français fantastique et de science-fiction peut faire peur. Le résultat est pourtant époustouflant. La musique composée par l’italien Andrea Laszlo De Simone est organique. Elle accompagne et rythme le film en parfaite synchronisation avec la respiration d’Emile. Chacun·e trouvera ce qui lui plait durant les 2h08 passées devant l’écran.

J’en tiens pour preuve les 12 nominations du film aux Césars 2024, et parmi les plus prestigieuses. « Meilleur acteur » et « meilleure révélation masculine », voici celles auxquelles ont droit Romain Duris et Paul Kircher. Le jeune acteur de 22 ans porte la profondeur du film. Romain Duris maîtrise les multiples facettes que possède son personnage, et apporte la touche d’humour parfaitement dosée du film.

A (re)voir une fois les prix obtenus, et vive les chips !

Inès Benarab

10- Les filles d’Olfa, Kaouther Ben Hania

Les Filles d'Olfa - ASCA

À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, Les Filles d’Olfa est le deuxième film de la réalisatrice Kaouther Ben Hania présenté sur la croisette. Cinquième long-métrage de la cinéaste tunisienne en moins de dix ans, il n’est pas le premier à marquer les esprits. En 2017, un thriller inspiré de faits réels, La Belle et la meute, a valu à la cinéaste le prix de la meilleure création sonore. Trois ans plus tard, L’Homme qui a vendu sa peau était le premier film tunisien sélectionné aux Oscars.

Les Filles d’Olfa a obtenu 4 prix à Cannes cette année, dont l’œil d’or, récompense du meilleur film documentaire. Premier long-métrage choisi par le comité de sélection pour concourir à la Palme d’or, il séduit par l’originalité de sa narration, la qualité de sa mise en scène et la spontanéité de ses personnages. C’est en 2016 que vient à Kaouther Ben Hania l’idée de réaliser un documentaire, entendant Olfa Hamrouni à la radio. Captivée par les mots de cette mère, la cinéaste reconnaît en elle un personnage de film, et la contacte. Naît le documentaire. Pour raconter l’histoire d’une mère et ses quatre filles, trois actrices participent au tournage. Naît la fiction.

Le tour de force de la réalisatrice est là : une mise en scène où la représentation du tournage étonne en même temps que la narration avance. Les mises en abyme sur des tournages, réflexions enthousiasmantes sur le medium cinématographique, ont été remarquées chez Nanni Moretti ou Todd Haynes. 

Trois actrices rencontrent trois femmes d’une famille qu’elles doivent incarner ensemble, Elles parviennent à se glisser entre les fils qui nouent la relation si particulière entretenue par Olfa et ses filles. En leur demandant de reproduire des scènes passées, Kaouther Ben Hania questionne les traumatismes ayant marqué la famille. Toutes ces tensions sont brillamment accompagnées par la musique, composée par Amine Bouhafa. Cette troisième collaboration entre la réalisatrice et le musicien ne manque pas de maîtrise. Si le bleu méditerranéen des murs nous habite 107 minutes durant, la musique, elle, nous plonge dans le décor. Des petits pincements des cordes aux grandes envolées orchestrales, Amine Bouhafa – invité par l’ACD en janvier dernier – réalise encore une fois cet exploit de raconter ce que les images et les mots ne disent pas.

Inès & Eva

Coup de coeur : The Holdovers, Alexander Payne

The holdovers, c’est un film réalisé par Alexander Payne et si vous cherchez votre prochain comfort movie et bien vous l’avez trouvé !

Dans une école privée de la Nouvelle-Angleterre, une drôle de communauté est contrainte à passer les fêtes ensemble: un professeur de grec ancien, bougon, détesté de tous ses élèves et collègues, un élève à problèmes mais talentueux dont les parents ont préféré passer les fêtes sans lui et une cantinière en deuil. Petit à petit, un certain lien va se développer entre les personnages, tout en se lançant des répliques bien cinglantes en pleine face ils vont en fait s’entraider, se pousser vers le haut mutuellement. The Holdovers c’est le genre de film qui bouleverse et réchauffe le cœur, qui montre que les hommes peuvent être bons les uns envers les autres.

Mais c’est aussi une étrange nostalgie que l’on peut ressentir, celle des années 70, dans une école prestigieuse pour enfants privilégiés. Il n’y a pas grand chose à faire, peut être lire un livre ou écouter un disque ? C’est pourquoi tout comme les personnages, nous spectateurs, entrons dans un état de contemplation, les plans magnifiques et très vintage retranscrivent bien le vide de l’école et une espèce de pesanteur: des couloirs vides, des panoramas blancs, les traces de pas dans la neige…

Ce film donne clairement envie de s’enrouler dans un plaid tout doux avec une tasse de chocolat chaud à la main, tout en passant du rire aux larmes !

Margot Dlus

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