Deux ans et demi après le premier opus, la saga de Denis Villeneuve revient avec une suite plus longue et plus ambitieuse. Après avoir échappé de peu à une tentative d’assasinat, Paul Atréides et sa mère sont plus prêts que jamais à prendre leur revanche, quitte à prendre un peu le melon en cours de route. Alors, pari réussi pour cette suite de l’adaptation du roman mythique de Frank Herbert ?

Dune. Arrakis. La planète désertique, objet de toutes les convoitises pour son épice aux nombreuses vertues. Lorsqu’on la quitte la dernière fois, Paul Atréides et sa mère Jessica,  incarnés par Timothée Chalamet et Rebecca Ferguson, viennent d’échapper de la ville d’Arrakeen, aux mains désormais de leurs ennemis jurés, les Harkonnen. Les deux doivent désormais faire leur place au sein de la tribu Femen, afin de mener tout un peuple à la libération.

Si le premier Dune impresionnait par l’envergure de ses effets spéciaux et de sa mise en scène, il  laissait aussi un peu sur sa faim. On avait l’impression d’assister à un long pilote de série, qui ne démarrait réellement qu’à la toute fin. Or, dans Dune 2, c’est tout l’inverse qui se produit.

Le film reprend exactement là où on l’on s’était arrêté deux ans plus tôt et l’avantage, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir revu le premier la veille pour se souvenir des enjeux narratifs de l’histoire.  Le livre Dune est tellement  dense et compliqué que beaucoup de réalisateurs voulant l’adapter au cinéma s’y sont cassé les dents. Or, ici tout est limpide, tant dans le déroulement de l’histoire que dans ses enjeux narratifs, et l’on peut l’en faire crédit à Denis Villeneuve et John Spaihts, les deux scénaristes du film. En revanche, ce que l’on gagne en rythme, on le perd en équilibre dans la progression : tout va très vite, tellement vite que c’en est un peu étourdissant. Lorsqu’on veut raconter la naissance d’un prophète, faire convertir une toute population en un quart d’heure, c’est un peu ambitieux.

Passé la première heure, on finit par s’habituer à ce rythme et à se prendre au jeu : le film est passionnant lorsqu’il raconte les rouages politiques d’un immense empire galactique, dont les ficelles sont tirées par une confrérie de sorcières mystérieuses et extrêmement charismatiques. Raconter la fabrique des figures religieuses aurait pu être fascinant, mais on peut pas en attendre d’un blockbuster d’une telle envergure de plonger trop profondément dans ces eaux-là. D’ailleurs, le film s’amuse presque de son propre manque de subtilité : Stilgar, incarné par Javier Bardem, passe du statut chef des Fremen à celui de fanatique, sorte de clown dont le public peut se moquer, qui répète en boucle Lisan Al-Gaib dès que la mèche de Timothée Chalamet se déplace d’un millimètre.  

Si les Fremen font preuves d’un étonnant savoir-faire en termes de guerre et d’arsenal d’armes, ce n’est rien à côté de l’arsenal de stars que le film déploie. Cette fois, Zendaya peut enfin briller dans le rôle d’une guerrière, mentor et petite-amie de Timothée Chalamet. Leur complicité crève évidemment l’écran, et leur histoire d’amour est touchante, justement parce qu’elle n’en fait pas trop.

Parmi les petits nouveaux, on trouve Léa Seydoux, sorcière Bene-Gesserit, Florence Pugh, fille de l’empereur, ainsi qu’Austin Butler, qui joue la version sociopathe Paul, puisque le film n’essaye même pas de le caractériser autrement. Christopher Walken endosse quant à lui le rôle de l’empereur Shaddam IV : alors qu’il est censé incarner la force la plus puissante et de toute un empire, on ne peut qu’être un peu déçu de lui et de son palais, tous deux pas forcément très impressionnants ; comme si l’équipe du film avait manqué d’inspiration pour la famille impériale.

Si l’on s’en tient à son cahier des charges, Dune II s’en sort très bien : les trois heures défilent sans que l’on ait le temps de s’ennuyer, et le film impressionne par ses scènes d’actions grandioses. Ce n’est pas n’importe qui aux commandes, et cela se voit : Denis Villeneuve réussit à imposer sa patte et apporte du soin aux espaces qu’il filme, sans chercher à en faire trop. Le succès évident de ce film est une victoire pour le canadien, qui parvient à faire d’une saga littéraire un peu intello un objet culturel incontournable de ces dernières années. Néanmoins, le film n’évite pas les écueils du blockbuster, surtout dans l’écriture. Comme Avatar : la Voie de l’Eau l’année dernière, on aimerait pouvoir profiter des paysages sans être dérangé par des répliques parfois très bêtes.

Le film fait même preuve d’ambiguïté, en amorçant des pistes de méditation sur le pouvoir et le destin : qui est ce Muad’dib ? Un héros venu libérer la galaxie, ou bien un imposteur profitant de la naïveté d’un peuple désespéré pour prendre sa revanche ? Ou les deux ? Le film laisse justement entendre que la tyrannie n’est jamais très loin, même avec toutes les bonnes intentions du monde.

Évidemment, le film aura une suite, que l’on attend dors et déjà, parce que Denis Villeneuve réussit malgré tout à construire un univers où les perspectives d’histoires et de récits se multiplient à chaque plan. Bien qu’il ne faille jamais juger un film par ce qu’il n’est pas, on peut regretter que Dune ne rende pas hommage au délire et au psychédélisme de l’œuvre originale. Mais, compte tenu de la difficulté de la tâche, ce qu’il fait est déja très bien. 

Raphael Dutemple

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