Le film a été présenté à l’avant-première du 12ème Dau’Film Festival organisé par l’ACD et le BDA, le 15 février 2024.


Premier film du réalisateur américain Weston Razooli et révélé à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2023, Riddle of Fire est une ode excentrique et magnifique à l’imagination, la jeunesse et à tout ce qui fait de la nature un endroit dangereux mais plein de mystères.

La projection de Riddle of Fire a été une de mes meilleures séances de cinéma, le genre de séance où quand le générique de fin apparaît à l’écran tu restes sous le choc de l’expérience que tu viens de vivre, tu applaudis de toutes tes forces et il n’y a qu’un seul mot qui te vient en tête : “Waouh”.

Riddle of Fire est le premier long métrage de Weston Razooli et c’est déjà un carton plein. Le film nous emporte avec enchantement dans le monde merveilleux et innocent de l’enfance, quand les choses les plus importantes au monde sont de jouer aux jeux vidéos avec ses ami.e.s, manger des bonbons, jouer dans les bois et faire plaisir à sa maman. Et ce qui en ressort ici est une véritable ode à l’imagination et à la vie. Par le prisme de trois enfants intrépides débordants d’inventivité, armé.e.s de fusils à billes sur leurs moto-cross et vouant un culte à la marque de jeux vidéo OTOMO, les actions du quotidien se transforment en une quête fantastique. Ainsi, en cherchant à la base à débloquer le code parental pour jouer à leur nouveau jeu vidéo, Alice, Hazel et Jodie vont se retrouver au fil de leurs péripéties dans une forêt féérique avec de biens étranges personnages : le Gang de la lame enchantée, une troupe de braconniers dirigé par une femme aux pouvoirs elfiques, déterminés à trouver le Prince de la forêt, et une petite fille, Petal, avec qui iels se lient rapidement d’amitié. Il en découle alors une aventure enchantée absolument hors du temps.

On se retrouve transporté dans cet univers magique du début à la fin, grâce à des choix de scénario et de réalisation très judicieux, car le film est construit comme un conte (c’est d’ailleurs le titre français qui a été choisi, Conte de feu). Dès l’incipit, une typographie particulière apparaît à l’écran, introduisant le récit à la manière d’un album pour enfant, et alors on ne quitte plus le rêve. Le charme magique du film est en plus accentué par sa musique inspirée de films et jeux vidéos de fantasy, et par sa photographie, car les images, filmées au Kodak 16mm, sont vives et chaudes, nous offrant d’une part des scènes dans la forêt magnifiques et renforçant d’autre part le charme intimiste du jeu et de l’imaginaire qu’a voulu créer Weston Razooli. Enfin, comment ne pas parler du jeu des enfants, qui est simplement parfait. On a l’impression que le quatuor se connaît depuis toujours, et il en ressort de l’amitié et de la fantaisie à l’état pur, avec des scènes tantôt comiques, tantôt attendrissantes, tantôt extraordinaires d’innocence et de bonheur.

Je ne peux donc que vous recommander Riddle of Fire, qui m’a émerveillée, m’a fait rire et m’a beaucoup touchée, et, à en croire les applaudissements à la fin de la séance (et même pendant le film), qui a également conquis le public cannois. Le réalisateur avait voulu créer “the ultimate kid movie”, une histoire hors du temps, dont la signification serait de vivre la vie pleinement et sans limites ; c’est chose faite, et même très bien faite. En nous offrant cette perle entre le conte et le jeu vidéo, inspiré par Les Goonies, Le Club des Cinq ou encore Tom Sawyer, Weston Razooli parvient avec brio à nous émouvoir et à raviver en nous la flamme optimiste de la vie.

Eloïse Peslin

Que l’on ait grandi en ville ou à la campagne, nous nous souvenons tous d’une expédition menée avec nos amis quand nous étions enfants, à la recherche d’un trésor ou en pleine mission secrète. Dans nos têtes, nous étions des conquérants, des cow-boys pour qui le monde n’a plus aucun secret. Puis un beau jour on arrête d’imaginer, on devient trop occupés à apprendre et à grandir ; on passe à autre chose. Or, cette imagination que l’on possède quand on est enfant est peut-être la plus puissante source de création qui soit, et Weston Razooli l’a bien compris.

Dans Riddle of Fire, nos héros ont à peine 10 ans, et vont parcourir monts et vallées dans le simple but de passer un peu de temps devant la télé, après avoir volé une console de jeux vidéo dans un entrepôt. Pour jouer, il faut le code de la télé, qu’il faut soutirer après de la mère qui souhaite une tarte à la myrtille, recette qui demande des oeufs, oeufs que l’on va chercher au supermarché, mais que l’on se fait voler par le cowboy d’une secte de braconniers dangereux. Weston Razooli est intimement persuadé que c’est dehors que cela se passe : la vie, les aventures, le danger certes,  mais aussi l’amour. Le scénario de ce film est comme ces histoires que l’on se raconte, ces délires dans lesquels on part quand nous jouons dans la cour de récré. 

Ici pourtant, le délire est vrai et le danger est bien présent : les méchants sont flippants, sortes de pouilleux de l’americana sortis d’un clip d’Ethel Cain. Et c’est une des grandes forces du film, de ne pas se réduire à un conte naïf où une  princesse vient en aide à des preux chevaliers qui combattent  le mal. Le récit donne bien plus à voir qu’on le pense, sur toute une frange de l’Amérique rurale, celle qui braconne et qui n’obéit qu’à sa propre loi. Nos héros aussi font ceux qu’ils veulent et malgré leur jeune âge, ils ne sont jamais montrés comme des saints, mais bien comme des individus déjà bourrés de contradictions. 

Les films d’enfants ne sont pas faciles tant ils peuvent vite tourner à l’hommage spielbergien un peu démodé. Mais ici, les personnages sont tellement originaux qu’ils échappent à cet écueil, notamment Alice, la leader bad-ass naturelle du groupe, incarnée par la jeune mais déjà très cinégénique Phoebe Ferro. Le film marque aussi le retour de Lio Tipton, dans le rôle d’une sorcière chef de secte très convaincante : plus largement, l’ensemble de la distribution est choisi avec un très grand soin, et tous s’accordent avec les paysages de l’État de l’Utah, où le film est tourné. Les forêts américaines, avec ses rivières et ses wapitis, ont rarement été aussi joliment mises à l’honneur ces derniers temps. Elles rappellent la beauté avec laquelle des cinéastes passionnés – comme Kelly Reichardt – filment l’Amérique. La caméra laisse cet immense espace se déployer sous nos yeux, jouant intelligemment avec la géographie de cette forêt où se passe presque les deux tiers du film. 

Mêlant à la fois la maturité d’un cinéaste, qui connaît le sens du cadre et de l’image, à la folie de l’imaginaire enfantin, Riddle of Fire est donc un premier film très touchant, tant il surprend par son sens de l’humour et son authenticité. Le plus important pour un créateur est bien de garder cette authenticité, car c’est en elle que se trouve la marque des grands cinéastes ; en l’occurrence, Weston Razooli fait un premier pas très impressionnant dans le cinéma indépendant. 

Raphaël Dutemple

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