TW : Ce film contient des scènes de violences physiques et psychologiques. Il est fortement déconseillé aux personnes sensibles. 

Presque vingt ans après le premier opus de la saga créée par James Wan, Saw fait son retour dans une 10ème suite, basculant toujours plus dans le gore épique et les twists qui n’en sont pas vraiment. En revanche, pour une fois, le tueur au puzzle a sincèrement quelque chose d’intéressant à nous dire. Et l’avantage, c’est qu’on a pas besoin d’avoir vu un seul volet pour apprécier celui-ci…

L’article explicite uniquement des détails de l’intrigue dévoilés dans la bande-annonce.

Imaginez la scène : vous avez grillé une priorité à droite ce matin parce que vous étiez en retard au boulot. Le lendemain, vous vous réveillez dans un hangar abandonné, une marionnette devant vous, et une cassette audio qui vous propose de jouer à un jeu : pour revoir la lumière du jour, vous avez 2 minutes pour couper votre main et pied droit, en rétribution à cet immonde affront au code de la route. En neuf suites, prequels, reboots, sequels en 3D,  Saw était devenu à ce point gratuit.  

Si elle est une référence incontournable du torture porn avec ses horribles (mais iconiques) pièges, la saga Saw n’a jamais brillé par son scénario ou sa mise en scène. Passé les deux premiers films, des thrillers psychologiques assez originaux et camp, elle est devenue une caricature d’elle-même, reproduisant la même recette en boucle. Mais ça, c’était avant. Car dans Saw X, il se pourrait bien que les nouvelles victimes l’aient quand même un peu cherché.

I want to play a game  

L’histoire se situe après le tout premier épisode de la saga et marque le retour de Tobin Bell en tant que John Kramer, THE one and only tueur au puzzle. Ce dernier, qui souffre toujours d’un cancer du cerveau incurable, découvre qu’une chirurgienne brillante guérit les maladies aux stades les plus avancés. Le voilà parti au Mexique (filmé avec le traditionnel filtre jaune devant la caméra), afin de subir un traitement qui pourrait bien lui sauver la vie.

Sauf que voilà, le pauvre John Kramer s’est fait complètement berné, puisque toute l’opération n’est qu’une vaste mise en scène destinée à le plumer. Un chouia vexé, il va mettre au point un ingénieux stratagème pour prendre sa revanche. Don’t get sad, get even, comme dirait l’autre.. Le film signe aussi le retour d’Amanda Young, incarnée par Shawnee Smith, l’acolyte sociopathe de John et survivante du mythique Reverse Bear Trap

Il aura fallu 20 ans pour que la saga Saw trouve le genre dans lequel elle s’épanouit le mieux, le revenge movie. Saw X est un film jouissif, qui ne se prend pas la tête, et qui n’a pas prétention d’être plus que ce qu’il n’est : un slasher où les gentils méchants se vengent des méchants méchants.

L’écriture y est d’autant plus maline que nous nous prenons de compassion pour John Kramer, un tueur en série extrêmement cruel, mais aussi un vieil homme pris dans un moment de faiblesse, aveuglé par son désespoir de rester en vie. Et l’on savoure avec lui sa vengeance contre une escroc au brushing impeccable et vivant dans une superbe maison d’architecte. Évidemment, l’histoire est à dormir debout, le réalisateur lui-même le sait, et ça n’est pas grave.

Œil pour œil, littéralement

Ce qui fait la force d’un film Saw, ce sont évidemment ses pièges. En deux décennies, les différents tueurs au puzzle en auront créé plus d’une cinquantaine, allant de la fosse aux seringues (idée de date ?) à la balance à chair (autre idée de date ?). Dans cet opus, les jeux sont tellement spectaculaires et grand-guignolesques qu’ils en perdent toute crédibilité : même les plus sensibles peuvent regarder sans fermer les yeux un homme s’ouvrir le crâne sans aucune anesthésie. De ce point de vue, la mise en scène manque de viscéralité, mais se rattrape en proposant un gore très ludique, et donc très divertissant. 

Parce que le torture porn est un genre extrêmement politisé, du fait même de son histoire, Saw X amorce un début de réflexion autour de la torture, notamment dans une scène qui rappelle le waterboarding et les atrocités commises par l’armée américaine pendant la guerre d’Irak. Jigsaw, comme Bush, ne “regrette rien”. Mieux, le film fait preuve d’une surprenante clairvoyance, puisqu’en décrivant les arnaques à la santé, il évoque aussi la méfiance de certains groupes envers les soins depuis la pandémie. 

Que ça soit pour les néophytes ou les inconditionnels de la saga, Saw X est le film parfait pour Halloween. L’horreur n’est jamais autant efficace que lorsqu’elle ne se prend pas trop au sérieux, et Saw X ne déroge pas à la règle : conscient d’être le énième produit poussif d’une saga à bout de souffle, Kevin Greutert en joue et propose un film décomplexé, vidé de toute morale.

C’est en ça que le film est particulièrement jouissif : puisqu’il n’y a personne pour rattraper l’autre, laissons-les s’entretuer et que le meilleur gagne. La fin,  qui est au demeurant assez idiote, rappelle l’ambiguïté morale d’une autre œuvre bien connue, Death Note : tout péché mérite-t-il châtiment ? Et qui est assez droit pour prétendre pouvoir punir les injustes, tel un Dieu ? 

Raphaël Dutemple

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