Après les cérémonies des Césars et des Oscars, la saison des récompenses de cinéma continue avec la sélection des films que les acédien.nes ont préféré en 2024 !
1 – Riddle of Fire, Weston Razooli
{Republication}

Le film a été présenté en avant-première lors du 12ème Dau’Film Festival organisé par l’ACD et le BDA, le 15 février 2024. Un an plus tard, il est choisi comme le film sorti en 2024 préféré des acédiens.
La projection de Riddle of Fire a été une de mes meilleures séances de cinéma, le genre de séance où quand le générique de fin apparaît à l’écran tu restes sous le choc de l’expérience que tu viens de vivre, tu applaudis de toutes tes forces et il n’y a qu’un seul mot qui te vient en tête : “Waouh”.
Premier film du réalisateur américain Weston Razooli et révélé à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2023, Riddle of Fire est une ode excentrique et magnifique à l’imagination, la jeunesse et à tout ce qui fait de la nature un endroit dangereux mais plein de mystères.
Riddle of Fire est le premier long métrage de Weston Razooli et c’est déjà un carton plein. Le film nous emporte avec enchantement dans le monde merveilleux et innocent de l’enfance, quand les choses les plus importantes au monde sont de jouer aux jeux vidéos avec ses ami.e.s, manger des bonbons, jouer dans les bois et faire plaisir à sa maman. Et ce qui en ressort ici est une véritable ode à l’imagination et à la vie. Par le prisme de trois enfants intrépides débordants d’inventivité, armé.e.s de fusils à billes sur leurs moto-cross et vouant un culte à la marque de jeux vidéo OTOMO, les actions du quotidien se transforment en une quête fantastique. Ainsi, en cherchant à la base à débloquer le code parental pour jouer à leur nouveau jeu vidéo, Alice, Hazel et Jodie vont se retrouver au fil de leurs péripéties dans une forêt féérique avec de biens étranges personnages : le Gang de la lame enchantée, une troupe de braconniers dirigé par une femme aux pouvoirs elfiques, déterminés à trouver le Prince de la forêt, et une petite fille, Petal, avec qui iels se lient rapidement d’amitié. Il en découle alors une aventure enchantée absolument hors du temps.
On se retrouve transporté dans cet univers magique du début à la fin, grâce à des choix de scénario et de réalisation très judicieux, car le film est construit comme un conte (c’est d’ailleurs le titre français qui a été choisi, Conte de feu). Dès l’incipit, une typographie particulière apparaît à l’écran, introduisant le récit à la manière d’un album pour enfant, et alors on ne quitte plus le rêve. Le charme magique du film est en plus accentué par sa musique inspirée de films et jeux vidéos de fantasy, et par sa photographie, car les images, filmées au Kodak 16mm, sont vives et chaudes, nous offrant d’une part des scènes dans la forêt magnifiques et renforçant d’autre part le charme intimiste du jeu et de l’imaginaire qu’a voulu créer Weston Razooli. Enfin, comment ne pas parler du jeu des enfants, qui est simplement parfait. On a l’impression que le quatuor se connaît depuis toujours, et il en ressort de l’amitié et de la fantaisie à l’état pur, avec des scènes tantôt comiques, tantôt attendrissantes, tantôt extraordinaires d’innocence et de bonheur.
Je ne peux donc que vous recommander Riddle of Fire, qui m’a émerveillée, m’a fait rire et m’a beaucoup touchée, et, à en croire les applaudissements à la fin de la séance (et même pendant le film), qui a également conquis le public cannois. Le réalisateur avait voulu créer “the ultimate kid movie”, une histoire hors du temps, dont la signification serait de vivre la vie pleinement et sans limites ; c’est chose faite, et même très bien faite. En nous offrant cette perle entre le conte et le jeu vidéo, inspiré par Les Goonies, Le Club des Cinq ou encore Tom Sawyer, Weston Razooli parvient avec brio à nous émouvoir et à raviver en nous la flamme optimiste de la vie.
Eloïse Peslin

Que l’on ait grandi en ville ou à la campagne, nous nous souvenons tous d’une expédition menée avec nos amis quand nous étions enfants, à la recherche d’un trésor ou en pleine mission secrète. Dans nos têtes, nous étions des conquérants, des cow-boys pour qui le monde n’a plus aucun secret. Puis un beau jour on arrête d’imaginer, on devient trop occupés à apprendre et à grandir ; on passe à autre chose. Or, cette imagination que l’on possède quand on est enfant est peut-être la plus puissante source de création qui soit, et Weston Razooli l’a bien compris.
Dans Riddle of Fire, nos héros ont à peine 10 ans, et vont parcourir monts et vallées dans le simple but de passer un peu de temps devant la télé, après avoir volé une console de jeux vidéo dans un entrepôt. Pour jouer, il faut le code de la télé, qu’il faut soutirer après de la mère qui souhaite une tarte à la myrtille, recette qui demande des oeufs, oeufs que l’on va chercher au supermarché, mais que l’on se fait voler par le cowboy d’une secte de braconniers dangereux. Weston Razooli est intimement persuadé que c’est dehors que cela se passe : la vie, les aventures, le danger certes, mais aussi l’amour. Le scénario de ce film est comme ces histoires que l’on se raconte, ces délires dans lesquels on part quand nous jouons dans la cour de récré.
Ici pourtant, le délire est vrai et le danger est bien présent : les méchants sont flippants, sortes de pouilleux de l’americanasortis d’un clip d’Ethel Cain. Et c’est une des grandes forces du film, de ne pas se réduire à un conte naïf où une princesse vient en aide à des preux chevaliers qui combattent le mal. Le récit donne bien plus à voir qu’on le pense, sur toute une frange de l’Amérique rurale, celle qui braconne et qui n’obéit qu’à sa propre loi. Nos héros aussi font ceux qu’ils veulent et malgré leur jeune âge, ils ne sont jamais montrés comme des saints, mais bien comme des individus déjà bourrés de contradictions.
Les films d’enfants ne sont pas faciles tant ils peuvent vite tourner à l’hommage spielbergien un peu démodé. Mais ici, les personnages sont tellement originaux qu’ils échappent à cet écueil, notamment Alice, la leader bad-ass naturelle du groupe, incarnée par la jeune mais déjà très cinégénique Phoebe Ferro. Le film marque aussi le retour de Lio Tipton, dans le rôle d’une sorcière chef de secte très convaincante : plus largement, l’ensemble de la distribution est choisi avec un très grand soin, et tous s’accordent avec les paysages de l’État de l’Utah, où le film est tourné. Les forêts américaines, avec ses rivières et ses wapitis, ont rarement été aussi joliment mises à l’honneur ces derniers temps. Elles rappellent la beauté avec laquelle des cinéastes passionnés – comme Kelly Reichardt – filment l’Amérique. La caméra laisse cet immense espace se déployer sous nos yeux, jouant intelligemment avec la géographie de cette forêt où se passe presque les deux tiers du film.
Mêlant à la fois la maturité d’un cinéaste, qui connaît le sens du cadre et de l’image, à la folie de l’imaginaire enfantin, Riddle of Fire est donc un premier film très touchant, tant il surprend par son sens de l’humour et son authenticité. Le plus important pour un créateur est bien de garder cette authenticité, car c’est en elle que se trouve la marque des grands cinéastes ; en l’occurrence, Weston Razooli fait un premier pas très impressionnant dans le cinéma indépendant.
Raphaël Dutemple
2 – Vampire Humaniste Cherche Suicidaire Consentant, Ariane Louis-Seize

Vampire Humaniste Cherche Suicidaire Consentant, c’est un titre bien trouvé qui ne manque pas d’étonner. Le scénario de la réalisatrice québécoise Ariane Louis-Seize, vous l’aurez compris, tourne autour de la rencontre de deux adolescents. Sacha, jeune vampire, a quelques scrupules à tuer pour subvenir à ses besoins et Paul, dépressif, veut mettre fin à ses jours… une rencontre fortuite en somme ! Dans un univers nocturne et glacial, la réalisatrice dépeint le spleen adolescent avec succès et, paradoxalement, une grande humanité. L’adolescence est une période de la vie qui peut se montrer particulièrement noire. Le film ne révolutionne pas le sujet mais l’expose de manière juste et surprenante. Il reprend aussi les codes du teen movie avec notamment les thèmes de la rébellion à la famille, la vengeance face aux harceleurs et la première fois, pour en faire un film qui n’a rien d’un teen movie. D’ailleurs il aurait été absurde de le qualifier ainsi puisque la protagoniste principale n’a pas moins de 68 ans. Ce qu’on aime dans ce film, c’est la famille de vampires complètement déjantée de Sacha, au mode de vie très rationnel : quoi de plus normal qu’avoir pour dessert un clown à l’anniversaire de ses 8 ans finalement ! Amateurs d’humour noir, vous serez incontestablemment servis !
Margot Dlus
3 – En Fanfare, Emmanuel Courcol

Le synopsis n’est pas l’un des plus originaux de l’année 2024, pourtant Emmanuel Courcol parvient à nous émouvoir aussi bien dans le rire que dans le drame et pose un regard sensible sur une France souvent oubliée et rarement mise en valeur : celle du déclin économique d’une certaine province défavorisée.
En Fanfare, c’est la rencontre bouleversante entre deux frères qui n’ont pas grandi ensemble et que tout oppose. L’un est un chef d’orchestre de renommée internationale et l’autre, cantinier, joue de la trompette dans une fanfare. Pourtant, Thibault, incarné par un Benjamin Lavernhe toujours aussi juste, a besoin d’une greffe de la part de ce « nouveau » frère dont il ne connaissait l’existence jusque-là, car il est atteint d’une leucémie.
Cette rencontre absolument inattendue va changer le quotidien des deux hommes, qui vont se lier grâce à leur passion pour la musique. C’est ici le véritable fil conducteur du film qui vient créer un lien social entre les protagonistes. Qu’elle soit classique ou issue de la fanfare dans laquelle Jimmy (Pierre Lottin, nommé pour le César de la meilleure révélation masculine pour ce rôle) joue, il n’y a pas de hiérarchie et ce sont seulement les accords, bémols et dièses qui importent.
Au-delà de la musique, la complémentarité entre les deux acteurs transparaît à l’écran et cela dès la scène de leur rencontre et plus le film avance, plus leur lien devient fort avant d’aboutir à une scène finale aussi surprenante qu’émouvante et qui ne laisse pas indifférent.
Camille Papaix
4 – Les Femmes au Balcon, Noémie Merlant

Un été, à Marseille, trois femmes souffrent de la canicule et s’ennuient. L’une d’entre elle essaye d’écrire sur son balcon, avec le syndrome de la page blanche. Sa colocataire se filme à longueur de journée, gagnant sa vie en étant une camgirl. Leur amie actrice et excentrique les a rejointes en panique, tentant de fuir une relation qui l’étouffe. L’inspiration vient bientôt à l’écrivaine en devenir lorsque ses deux amies l’emmènent dans une aventure rocambolesque. Un beau voisin qui habite en face de chez elles les invite à boire un verre dans son appartement. Le lendemain, elles y retrouvent son cadavre.
Les Femmes au Balcon, c’est une bouffée d’air frai et de nouveauté, c’est un souffle de liberté, c’est une rébellion face à l’oppression. C’est le portrait de trois femmes fortes, chacune à sa manière. Ce film arrive à dépasser une vision misérabiliste de la condition féminine. On voit une femme battue allongée au sol, quasi morte, et l’instant d’après, en la voyant se défendre, nous rions aux éclats. Ces images-chocs font bouger les mentalités, et montrer au grand écran une rébellion des femmes est sûrement plus inspirant que de montrer des femmes qui se font écraser sans rien dire, comme dans la plupart des films qui parlent des sujets de viols et d’agressions.
Le film excelle à traiter de sujets tabous avec humour et mépris des règles du cinéma. C’est en cela qu’il est féministe : il nie la condescendance, le misérabilisme et le déterminisme qui vont généralement de pair avec le traitement médiatique et filmique qui est fait des violences faites aux femmes. Il ne montre pas des femmes prises au désespoir qui vont être sauvées par un autre homme, comme la plupart des films romantiques et à mon goût dépassés, mais des femmes qui vont s’en sortir par elles-mêmes, et avec l’aide de leurs amies. C’est un film sur la sororité, qui est une condition indispensable de l’action féministe. Dans une société où il est dur d’être une femme, on ne joue pas les unes contre les autres, mais on joue ensemble, et quand il le faut contre le genre dominant et oppressant. C’est ce que nous montrent ces trois amies, qui, face au meurtre comme acte de défense, vont savoir faire face ensemble et affronter les fantômes qui les hantent pour ne pas succomber à la culpabilité.
Diane Delacruz
5 – The substance, Coralie Fargeat

Après la 74e édition du Festival de Cannes, Titane, grand gagnant de la Palme d’or, devait rester dans les mémoires comme LE film ayant réussi à choquer les festivaliers. Coralie Fargeat en a décidé autrement. Six ans après son premier film, Revenge, la réalisatrice a chamboulé le dernier festival avec un nouveau film féministe totalement déjanté (âmes sensibles s’abstenir).
Est-ce que The Substance n’a pas remporté la Palme d’or parce qu’un film de body horror l’avait déjà fait trois ans plus tôt ? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que le film marque une nouvelle avancée pour ce genre de films. Il a même été nommé aux derniers Oscars, une cérémonie pourtant réputée pour ignorer les films d’horreur. Petite pensée à Demi Moore, qui a perdu face à Mikey Madison pour sa performance dans Anora, illustrant en fait la pertinence du propos du film…
The Substance, c’est une ambiance unique, mêlant comédie et gore. C’est un film à la fois angoissant et dérangeant, tout en réussissant à faire rire aux éclats et à dénoncer des sujets importants. Dans les premiers rôles, Demi Moore, confrontée au poids du temps qui passe, livre une performance touchante, tandis que Margaret Qualley, en final girl face aux conséquences de ses propres actions, brille totalement à l’écran.
Avec ce film, Coralie Fargeat confirme son talent, imposant son style audacieux dans le paysage du cinéma de genre. The Substance reste le film qui a fait le plus parler de lui cette année, et c’est peut-être là sa plus grande réussite.
Alice Kourouma
6 – Vingt Dieux, Louise Courvoisier

Prix Jeunesse à Cannes, Grand Prix du Festival du film d’Angoulême, Prix Jean Vigo, Prix du Premier film et celui de meilleure révélation féminine pour Maïwène Barthelemy aux Césars 2025… Cette année, Vingt Dieux, le premier long-métrage de Louise Courvoisier, semble avoir conquis le cœur des spectateur.ice.s. Et il a également conquis le nôtre.
Vingt Dieux, c’est l’histoire de Totone, 18 ans, qui se retrouve du jour au lendemain à devoir s’occuper seul de sa petite sœur. Au cœur du Jura, dans un paysage de campagne, de villages et d’exploitations agricoles, il décide, pour gagner sa vie, de se lancer dans la fabrication artisanale de comté, espérant remporter le prix du Comté d’Or et les 30 000 euros allant avec.
Ce que je retiendrai de ce film, c’est sa sincérité. Loin d’offrir une vision clichée et misérabiliste du monde agricole, montrant des agriculteurs criblés de dettes et au bord de l’abîme comme on a souvent pu le voir au cinéma (à l’instar d’Au nom de la terre en 2019 ou Petit Paysan en 2017), il rend hommage à une jeunesse rurale, attachée à sa terre et à son quotidien. Louise Courvoisier maîtrise son sujet, et ça se ressent. A travers ce film, elle raconte un territoire dans lequel elle a grandi, une jeunesse qu’elle a fréquentée, des situations quotidiennes qu’elle a vécues. La réalisatrice nous filme ainsi sa vérité de la jeunesse dans le Jura, une jeunesse autonome, qui fume des clopes, va au bal et aux courses de voitures, se lève tôt pour aider ses parents agriculteurs. Une véritable authenticité se dégage du film, renforcée par le fait remarquable que l’ensemble du casting est constitué de non-professionnel.le.s, à l’authentique accent du Jura. Les personnages sont extrêmement justes et travaillés, et on ne peut que s’attacher à Totone (incarné par Clément Faveau), sa petite sœur Claire, et ses amis Francis et Pierrick. La relation qu’entretient le personnage principal avec Marie-Lise (Maïwène Barthélemy) ajoute encore au charme du film, et fait voir l’intimité de manière crue et tendre à la fois.
C’est également un film qui voyage, qui nous transporte dans les magnifiques paysages jurassiens, tantôt à mobylette, en camion-citerne à lait, en tracteur ou en stock-car, entre les routes de campagne, les fermes laitières et les bals de village. Il faut en effet souligner la beauté de la photographie, qui dépeint magnifiquement ce territoire dans lequel les personnages évoluent.
Vingt Dieux nous offre finalement une véritable leçon d’amitié et d’entraide. Si le scénario aborde le thème du deuil, il n’en est pas pour autant sombre, et parvient avec brio à mettre l’accent sur la camaraderie, l’amour. En effet, Francis et Pierrick sont un peu les amis que tout le monde rêve d’avoir : ils sont des amis là dans les bons comme les mauvais moment, prêts à se lancer sans hésiter dans l’aventure de fabrication du comté et à s’occuper de Claire comme si c’était un peu leur soeur aussi. Explorant dans le même temps les thèmes de la masculinité (ne pas pleurer, se battre, séduire aussi), Louise Courvoisier nous filme une véritable famille de cœur, qui se soutient et traverse les épreuves de la vie ensemble.
En bref, il y a de l’amour, il y a du comté, et il en ressort un film extrêmement touchant que je ne peux que vous recommander.
Eloïse Peslin
7 – Il reste encore demain, Paola Cortellesi

Et si demain n’était pas seulement un jour à venir, mais une promesse à construire?
Il reste encore demain, la comédie dramatique italienne de Paola Cortellesi aux plus de 5 millions d’entrées en Italie, nous plonge dans les conditions de vie des femmes italiennes dans les années 1940. En bref, cette comédie en noir et banc dépeint le quotidien de Délia, femme qui comme beaucoup d’autres à son époque, subit les moeurs patriarcales et les violences infligées par son mari. En effet, nous sommes à Rome, une ville marquée par les cicatrices de la guerre et en pleine reconstruction. Delia mène une vie difficile car elle s’occupe seule de ses trois enfants. Elle doit jongler entre plusieurs petits boulots mal payés qui ne suffisent jamais à subvenir aux besoins de la famille. De plus, elle doit supporter la présence envahissante de son beau-père, un homme insupportable aux gestes déplacés, dont elle ne peut se débarrasser. Son quotidien est d’autant plus oppressant qu’elle subit les coups de son mari chaque jour. Toutefois, sa vie sans espoir va basculer le jour où elle reçoit une lettre inattendue.
Voici 5 raisons qui vont vous convaincre d’aller voir ou revoir ce film :
- Une esthétique particulièrement remarquable
Il reste encore demain explore des thématiques universelles à travers une esthétique soignée et réfléchie. En effet, Paola Cortellesi utilise des choix visuels et narratifs judicieux afin de renforcer l’impact émotionnel de son film. Par exemple, elle prend le parti de réaliser un film en noir et blanc. Cela crée une ambiance particulière, empreinte d’intemporalité et de gravité. En effet, cela permet d’accentuer les émotions des scènes et offrir une palette visuelle qui met l’accent sur les contrastes, les ombres, et les lumières. De plus, ici, le film s’inspire d’une époque spécifique: l’Italie des années 1940. Ainsi, le choix du noir et blanc nous permet d’être transportés plus facilement dans cette époque, marquée par des bouleversements sociaux et culturels.
2) Un film qui dénonce de façon subtile
Lorsqu’il s’agit de dénoncer, comment filmer? Comment adapter à l’écran l’enjeu des violences faites aux femmes? Il peut parfois paraître délicat de filmer de telles scènes. En effet, il serait critiquable de tomber dans une esthétisation de la violence. A contrario, comment ne pas tomber dans le voyeurisme, sorte de fascination dérageante envers les femmes victimes de violence? En effet, on peut s’interroger sur la mise en scène de la violence, souvent filmées frontalement, en plans rapprochés, et accompagnées de bruits insoutenables de cris et de coups. Dans Il reste encore demain, Paola Cortellesi adopte une manière visuellement percutante de traiter les violences conjugales. Sa façon de rendre compte des choses est subtile car elle utilise des scènes de danse. Elle n’opte pas pour n’importe quelle danse car elle choisit le tango, une danse illustrant la domination entre genres et plus particulièrement les violences conjugales.
À l’origine, cette danse passionnée symbolisait l’amour et la séduction, mais ici, elle prend une signification bien différente. En effet, c’est la mari qui mène la danse, de façon très brutale. De fait, cette danse à deux devient le miroir des émotions contradictoires de Délia, déchirée entre son désir de liberté et sa peur des représailles. Ainsi, la mise en scène de Cortellesi met en lumière les violences conjugales avec subtilité, sans misérabilisme ni sensationnalisme.
3) Un retour dans le passé qui nous permet de mieux cerner le monde qui nous entoure:
Il reste encore demain nous transporte dans l’Italie des années 1940, un contexte historique où la condition des femmes était particulièrement difficile. Par exemple, l’idéologie fasciste définissait la procréatio comme étant le devoir principal de la femme. Or, ce retour dans le passé fait écho à une réalité encore très présente aujourd’hui : les violences faites aux femmes, notamment au sein du couple. Les chiffres officiels sont alarmants : en 2022, selon l’observatoire des violences faites aux femmes, 373 000 femmes âgées de 18 ans et plus ont été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales perpétrées par leur conjoint ou ex-conjoint. En Italie, la situation est tout aussi préoccupante, avec une tendance à la hausse. Ainsi, le retour dans le passé est utilisé comme outil narratif, permettant de plonger le spectateur dans une époque marquée par un patriarcat oppressant et déconcertant. En suscitant un choc face à ces réalités exacerbées, cette mise en scène invite le public à établir des parallèles avec les problématiques actuelles et à prendre conscience de la persistance de ces dynamiques. En effet, cette œuvre résonne profondément avec les luttes contemporaines contre la violence patriarcale « ordinaire » : le mari de Delia, Ivano, la gifle et la roue de coups surtout quand il a bu un verre de trop, son beau-père lui pince les fesses tout en se plaignant pendant qu’elle le soigne. Le plus glaçant est l’aspect quotidien de cette violence « justifiée » par le sentiment de légitimité qu’ont ces hommes à contrôler les femmes et notamment leur parole. De plus, le film montre bien que ce phénomène traverse les classes sociales. Par exemple, au cours d’un repas où la famille reçoit les parents beaucoup plus aisés du fiancé de leur fille Marcella, le père du fiancé force sa femme à se taire lorsqu’elle ose émettre une opinion.
Face à ce patriarcat omniprésent et ces violences multiples, les personnages féminins doivent faire preuve de sororité, ce qui est particulièrement souligné dans ce film. En effet, cette sororité se manifeste à travers les relations entre les personnages féminins, notamment entre la mère et la fille, ainsi qu’entre les femmes du quartier. Le moment décisif survient lorsque Delia, la protagoniste, assiste à une scène où le fiancé adolescent de sa fille efface brutalement le rouge à lèvres de cette dernière, affirmant qu’elle ne doit se faire belle « que pour lui ». Cet épisode agit comme un électrochoc pour Delia, qui, par solidarité avec l’avenir de sa fille, entame un parcours vers sa propre émancipation. Par ailleurs, le film met en lumière la solidarité féminine à travers le rôle crucial joué par Marisa, une amie de Délia, qui lui apporte un soutien inestimable. Ainsi, la thématique de la sororité traverse le film, illustrant la force des liens féminins face aux pressions patriarcales.
4) Traiter le drame grâce à la comédie
Paola Cortellesi parvient à traiter la gravité à l’aide du comique. Ce film, à la croisée du cinéma populaire et féministe, prouve qu’il est possible de jouer sur le registre comique tout en dénonçant des réalités profondément graves, comme les violence conjugales. La réalisatrice, avec une maîtrise remarquable, chorégraphie littéralement la violence, lui conférant une dimension visuelle et presque performative. Bien que le film se revendique comme une comédie et cherche avant tout à divertir, il ne perd jamais de vue son propos engagé. Ses faux airs de telenova, dont on ne sait pas toujours s’ils sont intentionnels ou non, ajoutent une touche exagérée et captivante qui fonctionne étonnamment bien. Au final, il s’agit d’un drame social poignant qui met en lumière l’oppression des femmes, tout en conservant une « légèreté » accessible, ce qui permet d’expliquer les 5 millions d’entrées réalisées en Italie.
5) Une fin bouleversante (spoiler alert : à ne pas lire si vous ne l’avez pas encore vu !)
Ce film est particulièrement intéressant pour sa fin. Cette dernière est à la fois particulièrement surprenante mais aussi très émouvante. D’une part, le spectateur est particulièrement étonné. Personne ne s’attend à une telle fin. De fait, le film invite à une sorte de relecture. On doit réinterpréter tout le film lorsqu’on se rend compte que Délia ne s’enfuit pas mais qu’elle se rend au bulletin de vote pour participer aux premières élections ouvertes aux femmes en Italie. La démarche heuristique est particulièrement intéressante car ce film ne laisse pas le spectateur passif. Au contraire, il doit faire preuve d’esprit critique et de capacité d’analyse. De plus, la scène de fin est particulièrement émouvante grâce à des éléments visuels forts qui renforcent la signification du moment et marquent durablement l’esprit du spectateur. En effet, lorsqu’elle sort du bureau de vote, Délia se retrouve face à sa fille. Ce face à face mère/fille est très émouvant. La foule de femmes est aussi une image très puissante.
Enfin, la conclusion de Il reste encore demain est empreinte d’espoir. Bien que le film soit ancré dans un contexte historique précis, son message sur l’émancipation et l’espoir résonne toujours. Le titre même, « Il reste encore demain » devient un leitmotiv dans la conclusion. Cela suggère que, malgré les obstacles et les oppressions subies par le personnage principal, la vie offre toujours une chance de renouveau et d’évolution. Cortellesi met en avant la résilience féminine face à un contexte socioculturel patriarcal. Le personnage principal incarne une lutte silencieuse mais puissante pour se libérer des attentes imposées par son entourage et par la société. La fin laisse une impression douce-amère : le chemin est encore long, mais le simple fait d’avoir lutté représente déjà une victoire.
L’ACD vous invite à aller voir ou retourner voir ce film si ce n’est pas déjà fait !
Nina Rousseau
8 – Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau, Gints Zilbalodis

Parfois, ce n’est pas dans les paroles que l’on retrouve la poésie, mais dans le silence. Flow apporte un renouveau aux films d’animation, en redonnant la parole aux forces mystiques de la nature. Tel un récit initiatique, nous suivons les erreurs d’un chat courageux dans un univers énigmatique, à mille lieues de la vie humaine. Maisons délabrées, grandes statues de chats, tout laisse croire à un monde délaissé par l’homme, noyé sous une montée des eaux vertigineuse.
Dans cette ode à la nature, pas une seule parole ni le moindre commentaire n’est prononcé. Pour autant, les images foisonnent de vie et de rencontres bestiales inattendues. Dans ce voyage onirique, le silence devient un langage universel, où l’émotion vogue au gré des flots et des torrents, ébranlant le quotidien d’un chat solitaire.
De manière virtuose et révolutionnaire, Flow réussit à dresser un portrait de notre humanité à travers les grands yeux d’un chat noir. Flow présente l’évolution d’un chat indépendant affrontant les péripéties de la vie humaine, faite d’obstacles et de rencontres. De la cohabitation incongrue entre un capybara, un oiseau, un chien et un paresseux sur un navire, Flow est une leçon sur l’amitié, la confiance et l’acceptation de l’aide. Comme quoi, nous ne naviguons jamais vraiment seuls…
Justine Strohmann
9 – Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte

En 2024, l’ACD a eu la chance de se rendre au festival de Cannes, et qui plus est d’y voir en avant-première Le Comte de Monte Cristo de Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte. Le film est accueilli en grande pompe, en témoigne la durée de la standing ovation (17 minutes !). Pourquoi un tel accueil ? Pourquoi a-t-on tant aimé ce film ?
Le film comme le moment ont été inoubliables pour beaucoup d’entre nous, d’où sa présence dans ce top. Émerveillement, excitation. On avait annulé toutes nos séances de l’après-midi pour pouvoir faire la queue (au moins 3 heures d’attente sous le cagnard sans crème solaire et en talons !). On a d’ailleurs fait de jolies rencontres dans la file, comme à beaucoup d’autres moments dans la semaine. On était parmi les derniers à pouvoir rentrer dans le Palais des festivals après la montée des marches. Première réponse donc : pour notre part, penser à ce film, le revoir est définitivement lié à ce très précieux moment. [Petite pensée pour Ghita qui le compte parmi « les plus hauts pics » de son existence <3].
Adapté du roman-feuilleton d’Alexandre Dumas paru dans Le Journal des débats entre 1844 et 1846, le film revient sur le destin tragique d’Edmond Dantès, jeune marin talentueux sur le point de devenir capitaine et tout juste marié d’amour à Mercédès. Le jour de leurs fiançailles, l’avenir semble radieux pour ces jeunes premiers. C’est sans compter le mandat d’arrêt qui vient accuser Edmond, à tort, de fomenter un complot bonapartiste. Celui-ci lui vaut de passer 14 ans sous les verrous. Alors que tout le monde le croyait mort, Edmond parvient à s’enfuir du château d’If. Devenu richissime grâce à une rencontre déterminante, il compte se venger de tous ceux qui ont ruiné sa vie, et en particulier de trois hommes, joués par Laurent Lafitte, Patrick Mille et Bastien Bouillon (Fernand, cousin de Mercédès qui finit par lui demander sa main). Mais jusqu’où peut aller l’orchestration de la vengeance face à la trahison ? D’où vient cette rage qui finit par transformer Edmond, devenu le comte de Monte-Cristo, en personnage monstrueux ?
Edmond veut se venger de la vie qu’il aurait dû avoir. Sa fortune, bien qu’exorbitante, ne lui ramènera jamais tout ce qui lui fut le plus cher et lui a été volé. Alors que les responsables de ce virage tragique sont clairement identifiables, les découvertes toujours plus effarantes d’Edmond sur les causes de son malheur font monter l’escalade d’une violence jusqu’ici insoupçonnée, qui se retrouve sans objet (n’est-ce pas le propre du monstre ?). Alors qu’il venait à peine d’éclore, c’est son mariage qui doit prendre fin. La performance d’Anaïs Demoustier, qui joue assez parfaitement les amoureuses tragiques (qui sont d’ailleurs parmi ses rôles fétiches) nous reste alors en mémoire. D’où vient cette vulnérabilité presque primaire dans ce regard et cette voix chancelante dans la certitude de le reconnaître derrière ce masque ?
Il faut aussi dire que la grandiloquence de ce film s’imbrique parfaitement avec l’aspect magique du moment. Le cinéma français a toujours droit à l’emphase, surtout lorsqu’il permet de rassembler autant de spectateurs (le film comptait 9,4 millions d’entrées en 2024, ce qui l’amène à la deuxième place du box-office après Un p’tit truc en plus). Tout est grand. Les paysages toscans ou provençaux sont sublimement filmés. Le casting, bien équilibré, nous tient notamment en haleine lors d’une scène magistrale, parfaitement maîtrisée quant à la disparition énigmatique d’un enfant illégitime.
Pour ma part, je l’ai vu une deuxième fois après être rentrée, et j’aime encore plus le film depuis. Il est encore dans quelques salles jusqu’à fin mars, alors allez-y !
Marion Ruellan
10 – Anora, Sean Baker
{Republication}

Tout commence dans un bar de striptease à Brooklyn. Anora, jeune strip-teaseuse, rencontre le riche fils d’oligarques russes, Ivan Zakharov. Cette Cendrillon moderne a trouvé son prince, la magie opère, c’est l’amour fou. Amour… vraiment ? Rien n’est moins sûr…
Ce film de Sean Baker qui a conquis, au-delà du cœur de millions de personnes, le jury de Cannes (Palme d’Or) ainsi que la cérémonie des Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice, meilleur montage et meilleur scénario original), questionne les relations de domination entre hommes et femmes. Car oui, cet amour n’est pas aussi pur que le laisse croire la comédie romantique qui marque le début du film. Argent, amour et pouvoir font rarement bon ménage.
Dès le début, cette idylle était déjà ambiguë, puisque Ivan paie Anora pour avoir des relations sexuelles avec elle puis pour qu’elle soit sa petite amie. Ivan est un jeune homme gâté, immature et dissolu, abusant de l’argent de sa famille et souhaitant profiter de son séjour aux Etats-Unis ; Anora est une jeune femme issue d’un milieu populaire, recherchant l’ascension sociale. Une rencontre somme toute bien fortuite… Leur mariage sur un coup de tête à Las Vegas, lieu de toutes les folies, fantasmes et libertés, semble refléter le caractère illusoire de cet amour qui ne durera pas, gangréné dès le départ par l’argent. La proposition de mariage elle-même part d’un sentiment intéressé, puisque Ivan cherche un moyen d’éviter de retourner en Russie travailler avec son père, et le mariage lui permet d’obtenir une carte verte et de rester aux États-Unis. Anora apparaît dès lors comme une distraction, un moyen de fuir ses responsabilités, tout comme Ivan apparaît pour elle comme un moyen d’échapper à sa condition sociale.
Toutefois, si Anora finit par véritablement tomber amoureuse d’Ivan, il apparaît rapidement que ce dernier ne la considère que comme un objet sexuel et ne verra jamais en elle son égale. Dès leur second rendez-vous, dans son immense maison, son attitude face au show que lui présente Anora est révélatrice. Par ailleurs, la relation ne se construit qu’autour du sexe ; pas une seule fois nous assistons à une véritable discussion ; preuve encore qu’Anora est réduite au statut d’objet sexuel. Dans la deuxième partie du film, lorsqu’Ivan risque d’être confronté aux foudres de ses parents qui ont appris l’union, il n’hésite pas à fuir, laissant Anora seule face aux trois hommes de main envoyés par la famille Zakharov. La fragile union s’effrite déjà, avant même que le divorce n’ait été prononcé. Le dernier échange entre Anora et Ivan résume à elle seule la réalité de leur relation : il a bien « profité » de son séjour aux États-Unis, mais surtout d’Anora.
Un film qui présente donc une domination des hommes sur les femmes, tant sur le plan sexuel, qu’économique, mais également symbolique, Anora étant considérée comme une simple « pute » par la famille Zakharov. Et cette domination n’apparaît pas seulement dans la relation entre Ivan et Anora, mais également entre Igor et la jeune strip-teaseuse. En effet, une seconde relation étrange est présentée dans la deuxième partie du film. Igor, homme de main de la famille Zakharov, est également un personnage central. Lors d’une scène chez Ivan, où il tente de maintenir Anora qui se transforme en furie lorsqu’ils attendent les parents du jeune homme, il se retrouve derrière elle, qui est forcée de s’agenouiller devant lui, dans une position explicitement sexuelle. Une scène qui se veut de prime abord comique, mais qui suggère beaucoup. Cette scène ramène à nouveau Anora à sa condition de travailleuse du sexe, et suggère que tous les hommes ne voient en elle qu’un moyen d’assouvir leurs désirs. Cela est confirmé explicitement à la fin, lors d’un échange entre Igor et Anora, où elle lui crache « tu m’aurais violée si tu l’avais pu ». Un film qui semble donc faire le procès des hommes en général. Pourtant, si l’on s’attarde sur la personnalité d’Igor, tout ne semble pas si manichéen. En effet, Igor semble à l’opposé de l’image que l’on se ferait d’un violeur, ou même d’un homme macho. Ce grand baraqué, qui paraît quelque peu benêt, est attentionné et respectueux. Il se préoccupe du bien-être d’Anora, lui tend une écharpe lorsqu’elle a froid durant leur errance dans les rues de New-York à la recherche d’Ivan, il sauve la bague de mariage prise de force à Anora pour la lui rendre… bref, une attitude de prince charmant, en contradiction avec ce que l’on aurait pu croire.
Ainsi, peut-être que ce film ne condamne pas tous les hommes et nous incite plutôt à questionner nos propres préjugés. Car oui, inconsciemment nous sommes probablement plus enclins à croire que les hommes sont des prédateurs vis-à-vis des femmes, qu’ils ont moins de respect et abusent de leur position dominante dans la société, détenue grâce à leur genre. Or il serait bien injuste de tous les mettre dans le même panier. Je pense plutôt que ce film nous invite à opérer une distinction entre Ivan, le parfait amant de prime abord, et Igor, la brute au premier regard, pour ne pas être dupe des apparences mais plutôt chercher à comprendre la profondeur des personnages. Plutôt qu’une Cendrillon moderne, Anora serait une Belle, Ivan le Gaston arrogant, et Igor la bête au cœur pur.
Malgré tout, Sean Baker conclut son film sur une touche tragique. La toute fin apparaît comme un retour brutal à la réalité après les folies du début. Une scène lente, des tons froids, une pluie battante, une petite voiture et des larmes bien réelles, en opposition totale avec le luxe, les lumières vives, le bonheur artificiel et le rythme effréné du début. Ce film qui se présente comme un espoir d’ascension n’est lui-même qu’un rêve, et la dernière scène où Anora finit par entamer une relation sexuelle avec celui qu’elle détestait, Igor, la ramène à nouveau à sa condition de travailleuse du sexe. Retour à la case départ… voire pire, puisqu’elle va devoir affronter le regard de pitié de ses collègues de la boîte, qui ont cru en cette ascension. Une fin qui semble assez déterministe finalement : il n’est pas possible d’échapper à sa condition sociale, les plus riches resteront au sommet, dans la sphère dominante et méprisante, tandis que les autres demeureront à leur place inférieure…
Une Belle qui restera donc au bas de l’échelle sociale… mais qui, on l’espère, saura trouver un peu de réconfort auprès de sa Bête.
Ludivine Million