Un garçon tombe amoureux d’une fille plus âgée que lui dans les États-Unis du début des années 1970. Licorice Pizza, de Paul Thomas Anderson, ne démarre pas autrement. Mais la caméra soignée du réalisateur de Phantom Thread (2017) révèle infiniment plus que les simples amours contrariées d’une jeunesse rêvant de grandeur. Des bars aux golfs, des acteurs aux politiciens, des pères de famille bornés aux mères travailleuses, Anderson nous balade dans une Amérique en pleine transformation, tiraillée entre le maintien d’une morale étouffante et patriarcale, et le rêve d’une vie hollywoodienne effrénée. Sans jamais perdre son fil conducteur – l’amour impossible de Gary (Cooper Hoffman) et d’Alana (Alana Haim) – le film nous fait vivre une époque, en s’écartant adroitement des clichés lourdaux des seventies.

La légèreté d’un amour de jeunesse, la légèreté d’une époque qui ne connaît pas tout à fait la crise, la légèreté de l’insouciance … On se laisse porter par le mouvement rythmé et agréable du film, par de longs travelling qui nous emmènent en avant, par une bande originale soigneusement choisie … Mais Anderson nous offre en arrière-plan une réalité sincèrement dure. Ni effets spéciaux, ni mise en scène spectaculaire, le réalisateur saisit une violence à la fois courante et odieuse : des policiers qui arrêtent Gary sans explication, un producteur névrosé et ultra-agressif, un acteur qui se perd dans l’alcool et dans ses répliques, un couple gay qui n’a pas le droit d’être, le film regorge de ces personnages marquants qui nous interpellent et nous étourdissent.

Et au milieu de ce monde en guerre contre lui-même, qui découvre avec étonnement le premier choc pétrolier, deux jeunes gens, qui n’osent pas s’aimer. Ils ne cessent de se croiser, de se frôler, de se fuir et de se retrouver, courant comme des fous à la recherche de l’autre, craignant d’affronter ce monde qui les dépasse. Et toujours, cette drôle de légèreté, portée ici par la douce folie de Gary et d’Alana, désireux d’une liberté qu’ils ne cessent de revendiquer et à laquelle pourtant tout s’oppose.

Licorice Pizza est ainsi un film brillant, à la manière de l’époque qu’il raconte, excessive et tourmentée, et malgré tout heureuse.

Gautier Jeanpierre

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