Clap de fin sur 2021…

Le top de l’ACD est de retour !

Coups de foudre, coups de cœur, belles découvertes : de The Father à Spiderman no way home en passant par Annette ou Boîte noire, retrouvez les films qui, depuis la réouverture des cinémas, nous ont fait vibrer cette année !

1 – The Father de Florian Zeller

Anne (Olivia Colman), femme d’une quarantaine d’années, annonce à son père Anthony (Anthony Hopkins) en perte d’autonomie qu’elle va quitter Londres, et qu’elle ne pourra plus s’occuper de lui ; telle est la situation de départ. La suite est bien plus difficile à raconter.

Rarement au cinéma on n’assiste à une telle expérience immersive. L’ingéniosité du film de Florian Zeller, directement adapté d’une de ses pièces du même nom, est de nous faire partager la détresse d’une personne atteinte de démence et de ses proches sans aucune trace de pathos ; la mise en scène, extraordinaire, nous fait directement éprouver la désorientation d’Anthony devant l’entremêlement de ses souvenirs et de la réalité.

Par ce procédé, le film montre au spectateur un aspect particulièrement saisissant de la maladie : la solitude dans laquelle elle place le patient, malgré un entourage solide et bienveillant. Anthony ne reconnaît plus ses proches, n’est pas compris et ne comprend pas qu’on ne le comprenne pas ; son regard hébété et sa lutte vaine pour garder le contrôle de lui-même sont bien plus marquants qu’un sempiternel discours sur le souvenir et la mort.

Une autre trouvaille qui distingue The Father des films prévisibles sur Alzheimer est l’interprétation brillante d’Anthony Hopkins : immature, énergique, parfois odieux, Anthony est un malade hors du commun. Le personnage d’Anne, plus sobre, n’est en rien moins complexe, et démontre le talent d’Olivia Colman pour incarner la souffrance et l’inquiétude avec une profonde justesse. En bref, The Father est une réussite cinématographique à couper le souffle.

Aude Laupie

2 – Boîte Noire de Yann Gozlan

Le film commence par le crash d’un avion de ligne et retrace le tumultueux déroulé de  l’enquête qui va viser à en déterminer la cause. Jeune acousticien talentueux du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA), Matthieu est chargé de l’affaire. Alors que la version officielle penche d’abord pour un acte terroriste ou une erreur humaine, Matthieu bute sur des incohérences.  Malgré lui, il se retrouve empêtré dans une affaire qui le dépasse largement. Seul contre tous, il tente de découvrir la vérité.

Pierre Niney se glisse parfaitement dans le rôle de l’acousticien paranoïaque et fait honneur à un scénario ambitieux qui use avec brio de la mécanique du complot. Boîte Noire nous propose un voyage glaçant dans les coulisses d’un monde aéronautique déshumanisé, marqué par la prédominance des machines et le cynisme des personnages. Du rythme, du suspense, une BO soignée… Bref, un thriller efficace, remarquablement bien écrit, qui nous tient en haleine du début jusqu’à la fin. Attention aux turbulences…

Romain Coudert

3 – Dune de Denis Villeneuve

Ils ont été nombreux à s’être cassé les dents sur l’adaptation de Dune, l’œuvre monumentale de Frank Herbert : après le projet avorté de Jorodowsky, le film controversé de Lynch et la confidentielle série de Syfy, il était légitime de se demander si Denis Villeneuve allait être à la hauteur d’un tel défi.

La réponse est oui. Dans cette première partie – la suite devrait être tournée cette année -, le réalisateur déploie une intrigue complexe et un univers visuel d’une richesse époustouflante.

Dune s’ouvre sur l’arrivée de la famille Atréides à Arakis, planète recélant l’Epice, précieuse ressource permettant d’améliorer la vie humaine et de voyager d’une planète à l’autre. Sous le prétexte d’offrir à la noble famille le contrôle d’Arakis afin de pallier les manquements de sa famille rivale, les Harkonnen, se cache en fait un piège tendu par l’Empereur Padishah pour l’éradiquer. À travers les yeux du jeune et talentueux Paul Atréides, nous allons suivre les intrigues de palais et l’apprentissage d’un futur héros avant de basculer dans les tourments et la violence de la conspiration.

À la fois film de science-fiction et fresque politique, tour à tour nerveux et contemplatif, Dune est un voyage onirique et spectaculaire sur un monde à l’inventivité et aux enjeux fascinants.

Justine Lieuve

4 – The French Dispatch de Wes Anderson

Qui mieux que Wes Anderson pour faire du Wes Anderson ?

En effet, The French Dispatch est peut-être son film à la fois le plus abouti et le plus caricatural. De la première scène à la dernière, du choix du casting au choix des musiques, en passant par la photographie et le montage, tout respire et transpire Wes Anderson. Et quand on apprécie son génie bouillonnant, c’est un immense régal.

Tout commence par l’annonce de la fin de la revue The French Dispatch. Les reporters de l’hebdomadaire se retrouvent pour rédiger un dernier numéro, sorte de chant du cygne, en mémoire de l’éditeur en chef récemment décédé. Ainsi débute une mise en abyme qui dure tout le film, chaque partie étant consacrée au récit d’un article. Le narrateur nous embarque dans trois histoires effrénées et déjantées, sans pour autant établir a priori un quelconque lien explicite entre elles. Un artiste fou et emprisonné, un mai 1968 à l’allure d’un jeu amoureux, et une prise d’otage insensée ; on distingue malgré tout des thèmes communs (la violence, l’enfermement, l’amour, le sublime).

Chaque scène prend la forme d’un tableau, avec ses personnages, ses couleurs, ses émotions et sa direction. Le film est beau, tout simplement. Le rythme de la narration ne permet pas de tout saisir, mais qu’à cela ne tienne, ce n’est qu’une raison de plus pour retourner voir The French Dispatch.

Gautier Jeanpierre

5 – Spider-Man : No Way Home de Jon Watts

Attention : cet article contient des spoilers du film et de la saga Spider-Man du MCU.

L’identité de Spider-Man vient d’être révélée au grand jour. La vie du célèbre super-héros vient se confondre avec celle de l’insignifiant lycéen Peter Parker. Cette situation devient dès lors rapidement incontrôlable pour notre « petite araignée sympa du quartier ». Seulement, un sortilège – censé faire oublier au monde entier qui est Spider-Man – lancé par le sorcier Docteur Strange n’a pas les effets escomptés. A la place ? Le retour de visages familiers, croisés sur nos écrans il y a 10, voire presque 20 ans. Et ils ne veulent malheureusement pas tous que du bien au tisseur de toile.

Certes, les premières minutes du film nous rappellent le côté « Teenage Movie » que nous pouvions déjà constater dans les deux premiers opus de la saga du MCU (et vivement critiquable). Mais, le film devient assez vite intéressant au moment de l’arrivée des premiers visiteurs : les super-vilains, tout droits sortis des Spider-Man (de S. Raimi) et de The Amazing Spider-Man. Pourtant, même si la bande-annonce les avait déjà dévoilés, une certaine nostalgie ne peut s’empêcher de nous animer.

Mais c’est un sentiment de plénitude et d’excitation, d’un niveau bien supérieur, qui s’empare du spectateur à l’instant même où ce dernier réalise le retour des deux anciens Spider-Man, joués par Tobey Maguire (2002 à 2007) et Andrew Garfield (2012 et 2014). La salle acclame, crie, saute, pleure ! Ce sont deux, même trois générations touchées par la surprise que nous a réservée Marvel. Il n’est alors ici plus question de déterminer qui est le meilleur Spider-Man entre les trois acteurs. Il s’agit de profiter du moment de les voir réunis, de comprendre qu’il n’y en a pas qu’un, et par conséquent d’admettre que le débat n’a plus lieu d’être (même s’il est normal d’avoir son préféré). Trois Spider-Man aux quotidiens, âges et destins différents, mais toujours avec cet objectif commun d’assumer de grandes responsabilités impliquées par de grands pouvoirs.

Les références aux anciens films y sont nombreuses, et parfois particulièrement subtiles, de quoi nous replonger davantage à nos âges d’enfants. No Way Home nous en apprend un peu plus sur la vie des Spider-Man de A. Garfield et T. Maguire, permettant à certains de confirmer ou d’infirmer les théories qu’ils avaient imaginées durant toutes ces années. Nos trois héros ont chacun leur place, sont complémentaires. Un Tobey incarnant la sagesse du grand frère face à un Tom encore très jeune et impulsif, et un Andrew particulièrement sensible à qui on a (enfin) laissé l’opportunité de prendre sa « revanche ». Les cascades sont belles, la musique toujours bien choisie. C’est un véritable spectacle.

A la fin, on comprend. On comprend qu’il s’agit du film où Peter Parker (Tom Holland) passe de « spider-boy » au véritable « Spider-Man » que la plupart des critiques reprochaient de ne pas retrouver sur nos écrans depuis 2017. D’autant plus que le film relance l’histoire du MCU, que l’on croyait quasiment finie après les évènements d’Avengers : Endgame. Un film donc qui joue avec nos souvenirs du passé, mais également l’avenir.

On sort de la salle directement nostalgique du moment où l’on n’avait pas encore visionné le film, tellement on souhaite le redécouvrir, et ressentir les émotions une deuxième fois, mais pour la première fois.

Téo Lelouch

6 – Annette de Leos Carax

So may we start ? Si dès le début du film le réalisateur, Leos Carax, nous conseille de ne plus parler, de ne plus bouger et de ne plus respirer en regardant son film, c’est bien pour une bonne raison… Il est en effet impossible de décrocher son regard de l’écran une fois le film commencé tout comme il est impensable de ne pas être fasciné par chaque petits détails qui font de Annette un film hors du commun. Chaque scène a sa place, chaque chanson est parfaitement interprétée et chaque acteur.ice nous présente le meilleur de lui.elle-même.

Poétique et satirique, Annette retrace la romance à la fois glamour et toxique entre Ann, chanteuse d’opéra de renommée internationale et Henry, professionnel du stand up à l’humour si particulier. C’est donc à la fois perdu.e, bouleversé.e et totalement shooté.e que l’on ressort d’Annette. Ce moment de pure folie, détresse et beauté digne d’une tragédie aux allures de comédie, portée par les superbes compositions de Sparks fait désormais partie intégrante de ma personnalité. Je ne peux plus m’en détacher, Annette est un film qui s’accroche à vous.

C’est à la fois une douce mélodie qui restera dans un coin de votre tête et une scénographie qui vous transporte dans un univers à la fois si similaire et distant du notre. C’est aussi de la proximité avec tant les acteur.ice.s que le personnel de l’ombre du film que doucement mais surement naîtra votre future obsession avec ce bijou de cinéma.

Emma Revillet

7 – Les Olympiades de Jacques Audiard

Au cœur du quartier des Olympiades (Paris, 13ème), ce sont quatre cœurs qui battent au rythme de rencontres, d’amitiés et d’amours qui s’enlacent et se heurtent. Ces passions croisées sont celles d’Emilie qui, à la recherche d’un nouveau colocataire, rencontre Camille quant à lui fasciné par Nora dont le chemin croise celui d’Amber. Se chercher et chercher l’amour, voilà ce qui fait vivre et vibrer ce quatuor amoureux.

Dès le départ, le tempo est donné. La géométrie de la ville s’accorde avec l’envoûtante BO de Rone. Aux lignes de la ville répondent les courbes des corps qui s’animent dans l’intimité de la nuit. Et les sentiments des personnages s’entrechoquent : Emilie court fougueusement sous la pluie tandis que Nora bout de colère et de rage, ils souffrent et ils espèrent, ils s’aiment mais se sentent seuls. La précieuse poésie de ce film, adaptation d’un recueil de bandes dessinées de l’auteur de BD étatsunien Adrian Tomine, tient d’ailleurs à son « noir et blanc brillant » qui, voulu par Jacques Audiard, traduit à la fois la douceur et la complexité de leurs aventures. Ce scénario coécrit par Jacques Audiard, Céline Sciamma et Léa Mysius réactive donc avec succès la thématique de l’amour en nous montrant les instants de vie de ces quatre personnages merveilleusement incarnés par Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant et Jehnny Beth.

Si vous aimez l’amour, rendez-vous aux Olympiades.

Clara Slimani

8 – Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier

Julie (en 12 chapitres), de Joachim Trier (Oslo, 31 août), est un film tout en mouvement. En douze chapitres, Julie (Renate Reinsve) court après tous les possibles, cherche à vivre toutes les vies, tous les amours. Insatisfaite ou en quête de « ce qui semble venir d’ailleurs »[1] , Julie ne s’arrête pas de tout essayer, renouveler, questionner. Joachim Trier filme les années qui passent, les relations qui s’essoufflent, les désirs qui s’emballent, et Julie qui s’en va, pour ailleurs, encore.

Dans des lumières claires et des tons pastels, Julie aime, séduit, s’éprend de légèreté. Et la douce chaleur d’une soirée d’été, une rencontre, puis l’image se refroidit. Tout devient sombre quand les doutes et le sentiment de gâcher sont là.

Quelque chose de pointilliste dans ce tableau en douze chapitres. La vie d’une trentenaire qui a le temps (le luxe bourgeois sûrement) de pouvoir tout vouloir, tout aimer, défendre, prendre pour passion, est une vie prise à tous les enjeux de notre temps. Aussi, tout comme Julie, le film veut toucher à tout, peu importe si le tout n’est que fragment. Mais sans précipitation, sans rien expédier : il prend le parti du temps.

Pour avoir montré la beauté qu’on trouve dans le doute, Renate Reinsve a reçu le prix d’interprétation féminine du festival de Cannes.

Julie (en 12 chapitres) parlera aux Gémeaux.

[1] « Rencontre avec « la pire personne du monde » : Renate Reinsve, actrice dans le doute », Le Monde, 12 octobre 2021.

Lucie Kasperski

9 – Sound of Metal de Darius Marder

Que devenons-nous lorsque seul reste le silence pour rythmer la journée ? Ruben Stone (Riz Ahmed), batteur d’un groupe de metal dont la chanteuse Lou Berger (Olivia Cooke) est sa compagne, perd peu à peu l’ouïe. Pour ce musicien passionné, ce sont deux histoires d’amour qui se retrouvent mises à mal par cette surdité ; celle avec Lou mais également celle avec la musique. En effet, le bruit est ce qui l’anime depuis plusieurs années ; l’agitation le fait vibrer, vivre depuis déjà longtemps. Durant deux heures, c’est tout un chemin vers l’acceptation de soi et l’apprentissage de la langue des signes que nous allons suivre à travers l’histoire de Ruben. Celui-ci va petit à petit se découvrir, se lier avec ceux qui tenteront de rendre son handicap secondaire, car c’est là l’essence même du long-métrage : avant d’être sourd, Ruben est surtout Ruben. Avec une grande sensibilité, le réalisateur Darius Marder parvient à nous mettre dans la peau du jeune batteur ; sa colère, ses joies mais aussi ses peines sont nôtres du début à la fin. Les silences auront, au fil du temps, la capacité d’apporter une forme de paix intérieure à celui qui pourtant, craignait le calme du monde.

Albane Perrot (article écrit en 2020)

10 – Blue Bayou de Justin Chon

Depuis les années 2000, les enfants adoptés à l’étranger et âgés de moins de 18 ans obtiennent la nationalité américaine. Mais que se passe-t-il pour ceux nés avant? C’est dans ce contexte que l’on va suivre l’histoire d’Antonio un coréen adopté qui a vécu toute sa vie aux Etats-Unis. Bien que toute sa vie se trouve ici, il se retrouve menacé d’expulsion du jour au lendemain pour situation irrégulière.

Sélectionné dans la catégorie “Un certain regard” au Festival de Cannes et passé presque inaperçu, ce film nous a particulièrement bouleversé tant par l’injustice dénoncée que par la manière dont l’histoire est racontée. Les personnages sont attachants, la réalité décrite poignante et les adieux déchirants. Le film trouve aussi son intérêt dans la multiplication des points de vue: d’un côté on a Antonio, sa femme et une famille vietnamienne immigrée qui vont tout faire pour le protéger et de l’autre, celui d’un policier qui a choisi de dénoncer Antonio pour des raisons personnelles et qui vont d’ailleurs l’amener à se questionner sur son geste et sur la frontière entre morale et loi. L’histoire n’apparaît pas romancée, le réalisateur dépeint une réalité brute et sans détours.

PS: point bonus pour la magnifique interprétation de Blue Bayou par Alicia Vikander.

Nicolas Kanoui et Louizon Pertriaux

 

Passons maintenant aux coups de cœur ! S’ils n’ont pas remporté le vote de la majorité, ces films ont cependant attiré l’attention des Acédiens. Plus confidentielles mais non moins excellentes, découvrez les pépites de cette année.

 

Last Night in Soho d’Edgar Wright, ou l’horreur taillée dans le tissu du rêve

Dépoussiérer le fantastique, c’est une habitude pour le réalisateur de Baby Driver. Après les zombies dans Shaun of the Dead (2004), Edgard Wright s’attaque au film de fantômes. Mais en inversant les rôles. Ce ne sont pas les ectoplasmes qui s’invitent dans notre monde, mais bien la jeune Ellie, étudiante dans une école de mode, qui épie le passé. Coincée entre hallucinations et réalité, la protagoniste va vite comprendre qu’ici ou là-bas, tout n’est qu’apparence. Car derrière la musique et les habits colorés de « swinging london », se cache la noirceur des rêves broyés. Derrière les paillettes et les fêtes de notre époque, se trouvent des histoires sordides qui n’attendent qu’une chose : refaire surface. Derrière un scénario digne d’une série B, se dessine un polar horrifique bien plus intelligent qu’il n’y paraît.

Last Night in Soho est palpitant, et magnétique. Palpitant, pour l’emprise psychologique que le film exerce tant sur nous, que sur son personnage. Magnétique dans sa réalisation. Couleurs psychédéliques, effets de miroirs entre les deux actrices Anya Taylor-Joy et Thomasin McKenzie, saturation de la rétine, … Les effets esthétiques se succèdent toujours plus vite, à mesure que le personnage s’enferme dans la spirale de noirceur de la nostalgie. Passé et présent se brouillent. Les destins s’emmêlent. Les miroirs se brisent. Et les monstres sortent du placard.

Salomé Ferraris

Drive My Car de Ryusuke Hamaguchi

Ils sont peu ces films qui vous font croire que le cinéma est un art particulier, nécessaire voire supérieur aux autres arts. Drive My Car est un de ces films. 

Yusuke est metteur en scène et acteur de théâtre. Il répète ses rôles au volant d’une incroyable Saab 900 rouge flamboyante. Alors qu’il travaille à l’adaptation d’Oncle Vania de Tchekhov, Yusuke se voit obligé d’être conduit dans ses déplacements quotidiens. La conductrice s’appelle Misaki, c’est une excellente conductrice, attentive et taciturne. Les deux personnages vont apprendre à se connaître au cours de longues scènes de dialogues jusqu’à se dévoiler leurs passés douloureux.

Donnant corps à une nouvelle homonyme de Haruki Murakami, Hamaguchi décoche un film absolument vertigineux et envoûtant. On ne sort presque pas de l’habitacle de la Saab mais le réalisateur retranscrit avec brio la complexité métaphysique des personnages grâce à la puissance des mots et grâce aux seules forces du cinéma : une caméra et un micro. Drive My Car est une déflagration, un souffle qui vous ravage et vous emporte. Car même quand le silence s’impose, que tout a été dit, les démons des personnages explosent à l’écran et nous hantent pour toujours, comme si ce film, Drive My Car, était la partie manquante de notre âme qui nous aidera à mieux vivre.

Omer Gourry

Compartiment n°6 de Juho Kuosmanen : la chaleur des compagnons dans le Grand froid

Ce bébé qui pleure pendant les 4 heures de trajet, le labrador qui aboie et bave partout dans le wagon, ou encore la vieille dame toute fragile qui vous raconte l’histoire complète de sa vie. Non, on ne choisit pas son compagnon de voyage. Serez-vous chanceux dans ce compartiment ? Et si vous ne l’êtes pas, ne serait-ce pas l’occasion de mettre les préjugés de côté ?

C’est là tout le défi de Compartiment n°6. À travers un « Voyage, Voyage » de Moscou à Mourmansk au sein d’une même voiture-couchette, Laura et Ljoha, vont progressivement prouver que oui : les opposés s’attirent parfois. Malgré des débuts aussi froids que les paysages de neige défilant autour d’eux, cette étudiante finlandaise en quête de pétroglyphes et ce russe en quête de l’orthographe du même mot se découvrent petit à petit pour former leur propre cocon de chaleur. Que cela soit autour d’un bon repas sous une lumière tamisée et intimiste du wagon-bar, ou en escale à boire des shots de vodka pure sous une ampoule à moitié grillée d’une maisonnette en ruines, nos deux protagonistes s’attachent, se détachent, se rattachent l’un à l’autre.

Qu’importe qu’il s’agisse d’amour, d’amitié, de sentiments, d’illusions : les petits actes en apparence font les grandes preuves d’un attachement certain entre les deux personnages. Face à la caméra de Kuho Kuosmanen, Laura (Seidi Haarla) et Ljoha (Youri Borissov) dégagent de leur froideur apparente une magnifique alchimie, où seul règne la plus belle surprise de ce périple glacial et enneigé : une sincère tendresse.

Albane Perrot

Aline de Valérie Lemercier

Aline est le faux biopic d’une mystérieuse chanteuse canadienne, Aline Dieu, cadette d’une fratrie de quatorze enfants, repérée dès l’adolescence par un féroce producteur qui la propulsera au rang de star planétaire et deviendra son époux.

Derrière Aline Dieu se cache évidemment Céline Dion, incarnée avec brio par Valérie Lemercier, qui est aussi la réalisatrice du film. Alors que Céline n’a pas officiellement approuvé Aline et que Valérie a dû lui inventer une alter ego à peine dissimulée, ce tour de passe-passe devient la véritable force du film : en lieu et place d’un biopic codifié et caricatural, la réalisatrice prend des libertés de ton et de scénario pour rendre hommage à la chanteuse et à son univers, sur fond de ses meilleures chansons

Pour apprécier Aline, il faut accepter le kitsch, parfois le mauvais goût, le ton irrévérencieux, l’humour ravageur, mais surtout reconnaître la tendresse et l’immense respect des acteurs pour Céline Dion et son monde. Valérie Lemercier s’est entourée d’une équipe d’acteurs canadiens qui incarnent avec finesse la famille Dieu et ses excentricités et devient elle-même une Aline impeccable de l’enfance à l’âge adulte. Sa relation avec Guy-Claude/René Angelil, son manager, qui défraya la chronique par leur différence d’âge, est traitée avec beaucoup de subtilité, sans complaisance, et montre l’amour indéfectible qui lia ces deux personnes.

De concerts grandioses à scènes de drame intimes, en passant par les interviews et les gossips, Aline dépeint la vie d’une des stars les plus populaires (thème d’une chanson-clef du film) de son temps et devient ainsi passionnant même pour les non-fans de Céline Dion.

Justine Lieuve

Merci à vous de nous avoir lu.e.s et à l’année prochaine !

 

 

 

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