« Le vent se lève » : entre rêve et réalité
Hayao Miyasaki (2013)

Loin de ses « créatures abracadabrantes » et de ses « châteaux itinérants », Hayao Miyazaki relève avec « Le vent se lève » (⾵風⽴立ちぬ) le défi le plus risqué de sa carrière,

celui de raconter la vie de Jirō Horikoshi, concepteur des chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi A6M pendant la Seconde Guerre Mondiale. Bien que l’on retrouve l’esprit et le style habituel du mythique Studio Ghibli, Miyazaki s’écarte volontairement de ses précédents travaux afin de donner naissance à la plus singulière et sans doute la plus aboutie de ses productions.

Si « Le vent se lève » impressionne tout d’abord par sa beauté et son authenticité, c’est véritablement par sa narration que le film tire son épingle du jeu. On suit en effet l’histoire de Jirō Horikoshi, un jeune garçon japonais passionné d’aviation dont le rêve est de concevoir des avions. Ce rêve d’enfant se retrouve néanmoins confronté plusieurs années plus tard à la réalité du monde : la guerre. Bien qu’elle ne soit jamais montrée ou même évoquée explicitement, la guerre occupe une place centrale dans le récit car c’est elle qui permettra à Jirō de réaliser son rêve en construisant des avions pour l’armée. Cette thématique appuie ainsi la singularité globale de l’oeuvre, encrée dans le Japon cérémonieux, pauvre et traditionnel des années 1940 contrairement aux autres films du réalisateur se déroulant pour la plupart dans des lieux fantastiques suscitant l’émerveillement.

Pour autant, « Le vent se lève » nous offre des plans de très grande qualité, minutieusement calibrées pour coller parfaitement à l’ambiance générale du récit. La colorimétrie tend en effet à s’adapter aux différentes séquences, tantôt chaude et véhémente pour les passages oniriques, tantôt froide et monotone pour les passages plus « réalistes » se déroulant dans le vieux Tokyo. On retrouve ainsi la palette de couleur habituelle de Miyazaki où le bleu et le vert prévalent sur les autres tons. Le long-métrage cultive également les éléments propres à l’univers du réalisateur comme la campagne, les trains, les avions, les machines, le ciel, les rêves ; références que l’on retrouve dans la plupart de ses films. Coté bande son, Miyazaki signe sa dixième collaboration avec l’excellent compositeur Joe Hisaishi, sublimant une nouvelle fois son oeuvre.

« Le vent se lève » apparait ainsi comme une véritable prouesse technique, visuelle et scénaristique. Sa durée — deux heures — inhabituelle pour un film d’animation, ne doit en aucun cas rebuter le spectateur. Tout comme ses ainés, cet ultime long métrage de Hayao Miyazaki est un chef d’oeuvre de l’animation, un véritable feu d’artifice mettant fin à la carrière d’un artiste qui marquera à tout jamais la « japanimation ».

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