Ismaël et Julie s’aiment depuis le lycée. Ils vivent ensemble dans le Xème arrondissement de Paris, ont leurs habitudes dans le petit cinéma de quartier et vont tous les dimanches déjeuner chez les parents de Julie à Bastille. Après huit ans d’amour et de routine, on ne peut que constater que les sentiments se sont quelque peu érodés ; Julie réclame à Ismaël la réassurance de ses sentiments, lui s’y dérobe joyeusement. Alors afin de réinventer l’amour, le jeune couple accueille en son sein Alice, une collègue d’Ismaël, pour former un ménage à trois aussi déconcertant qu’amusant.

Cette improbable configuration semble perturber la mère et la sœur aînée de Julie à qui celle-ci se confie, tout comme le trio lui-même qui commence à distinguer les dynamiques délétères qui sabotent leur relation : jalousie d’Ismaël, interrogations perpétuelles de Julie, mise à l’écart d’Alice… jusqu’à la brutale, implacable et tragique disparition de Julie. Commence alors pour Ismaël un long chemin de croix pour s’extraire de ce deuil déchirant et de la myriade de doutes dans lesquels il s’est empêtré.

Découpé en trois parties (Le départ, l’absence, le retour), Les Chansons d’amour dépeint avec sensibilité et justesse, sans idées reçues, les émotions contradictoires et tumultueuses qui peuvent traverser un jeune homme venant de perdre celle qu’il considérait comme l’amour de sa vie. Cette disparition, qui arrive au moment même où le couple entrevoyait la possibilité d’une séparation, ravive cruellement l’amour qu’Ismaël ressentait pour Julie et fait de lui le dépositaire des interrogations entourant la vie de la jeune femme. Constamment sollicité par sa belle-famille, rendu insomniaque par le chagrin, c’est pourtant lui qui doit répondre à toutes ces questions : pourquoi un ménage à trois ? étiez-vous toujours amoureux ? Julie était-elle heureuse ? Et alors qu’Ismaël pensait trouver refuge chez Alice et son nouveau petit-ami Gwendal pour échapper à ce tourbillon, un trouble supplémentaire s’ajoute à cela : Erwann, le petit-frère de Gwendal, qui vient bousculer sa vision de l’amour et de la sexualité.

Quoi de mieux que la musique pour laisser cathartiser les passions intérieures de tous ces personnages ? Car ces chansons d’amour, ce sont celles qui parsèment le récit et les dialogues de cette comédie musicale mélancolique et décalée, composées par Alex Beaupain et interprétées (de manière pas toujours juste mais d’autant plus sincère) par les acteurs eux-mêmes. Au milieu du spleen hivernal de Paris éclatent alors, au détour d’un dialogue ou d’une rue, ces chansons finement écrites, qui sont l’expression la plus candide et émouvante des sentiments qui traversent les protagonistes. Alors on se plaira à écouter Ismaël, Julie et Alice se disputer leur amour en dansant dans les rues de Paris, Ismaël et Erwann discourir sur la beauté du geste amoureux, et ces jeunes gens s’avouer leurs sentiments en chanson.

Les Chansons d’amour a la qualité inouïe d’aborder autant de sujets en les incarnant dans quelques personnages clefs et attachants, tout en nous laissant la possibilité de les ressentir et de nous y identifier. On n’a jamais aussi bien montré l’amour, le deuil, les nouvelles conceptions du couple, la rupture, les regrets, l’homosexualité, la bisexualité, les rapports familiaux ou la religion que dans cette – relativement – courte parenthèse cinématographique.

Les Chansons d’amour, c’est le film qui arrive à nous un peu par hasard et qui ne nous lâche plus. C’est celui qu’on regarde quand on est heureux, quand on est mélancolique, quand on s’ennuie, quand on cherche le réconfort, quand Paris nous manque, quand on a envie de cinéma très très français, et qui s’invite jusque dans nos playlists grâce à sa bande originale qui se suffirait presque à elle-même.

Le film se clôt sur cette phrase prononcée par Ismaël : « Aime-moi moins, mais aime-moi longtemps ». C’est peut-être ça le secret pour que l’amour dure toujours.

Justine Lieuve

Les yeux au ciel

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