Top – Hallelujah, Les Mots de Leonard Cohen : le poète disparu

Une voix rauque, celle d’un sage qui ne se vantait pas d’être un éclaireur, mais qui définitivement était un éclairé : Leonard Norman Cohen. Ce poète timide pour qui la spiritualité, l’amour, l’humanité sont des domaines de prédilection et feront de lui le parolier unique d’une génération en quête de liberté.

Dans ce documentaire réalisé par Dan Geller et Dayna Goldfine, le spectateur suit les débuts mais aussi l’impact du célèbre « Hallelujah » sur le monde de la musique et ce jusqu’à nos jours. En passant par la reprise intemporelle de Jeff Buckley à celle assurée par Rufus Wainwright pour le film d’animation Shrek, tant d’artistes ont trouvé dans ces paroles un véritable hymne intergénérationnel. Qu’il soit question de rédemption, d’amour ou de paix, « Hallelujah » possède autant d’interprétations que d’admirateurs. 

Parmi quelques anecdotes sur la façon de travailler de Leonard, son âme de séducteur mystérieux, certaines archives de ses concerts ainsi que les premiers écrits d’« Hallelujah », on découvre un homme qui ne trompe pas son monde. Cet air dépressif n’est pas qu’un masque, une image pour un personnage qui ne pourrait s’épanouir que sur scène. Non : celui qui, au départ, pensait se surnommer September Cohen était profondément touché par une dépression chronique, un pan intime de sa vie qu’il confiera lui-même en interview. 

Toutefois, il est dommage de constater que certains éléments de la vie de Cohen ne sont que peu, voire jamais évoqués. Qu’il s’agisse de ses dessins, ses recueils de poèmes ou ses derniers albums, on sent que le film -sûrement par souci de ne pas être trop long- survole ces quelques sujets. Des titres phares tels que « Everybody Knows » et « Waiting for the Miracle » manquent également à l’appel. Ceci dit, le titre du documentaire reste évocateur et il serait malvenu de dire qu’il est mensonger : parler de Leonard Cohen d’accord, mais surtout d’« Hallelujah ». Les grands fans seront peut-être légèrement déçus, mais cette déception sera rapidement balayée par le plaisir de voir leur idole trop peu reconnu sur un écran de cinéma. 

Le 7 novembre 2016, à l’âge de 82 ans, Leonard Cohen rejoint le cercle des poètes disparus. Avec lui, ce ne sont pas que des hymnes qui rejoignent les cieux, mais bien une énergie, un esprit éveillé au monde parfois trop violent et dans lequel nous tentons désespérément de trouver une stabilité. Pourtant, l’espoir et la lutte ne quittent jamais nos cœurs. Qui mieux que Leonard pour parler d’espoir ? Car lui-même le disait : « There is a crack, a crack in everything, that’s how the light gets in. ».

Albane Perrot

Flop – 1800-Hot-Nite, Please Call « 911 »

1-800-Hot-Nite est une vraie déception. Il était le premier film vu par notre joyeuse équipe d’ACDien.ne.s au festival de Deauville et le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas fait l’unanimité. 

L’histoire est celle d’une odyssée. Ô muse, conte moi l’histoire de Tommy, Steve et O’Neill qui passèrent de l’adulescence à l’âge adulte le temps d’une nuit, d’un film. Ces trois amis évoluent dans une banlieue américaine qu’on ne saurait situer. La première scène donne son sens au titre : 1-800-Hot-Nite est le numéro d’un téléphone rose qui excite cette petite bande (objet on ne peut plus cinématographique, pensons à Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson, Short Cuts d’Altman ou encore Valentine’s Day de Garry Marshall). Ils n’auront de cesse de l’appeler tout le long du film au rythme de conversations parfois aux propos osés et souvent à la quête de réponses, de conseils. L’aventure bascule quand au milieu de la nuit, le père de Tommy est arrêté par la police. De l’errance oisive d’un soir d’été les personnages passent au désœuvrement. Sans points de repère et sans famille, la nuit devient alors le moment des grands questionnements avant l’âge adulte. 

1-800-Hot-Nite est le premier long-métrage de son réalisateur Nick Richey. Difficile de ne pas tirer sur l’ambulance tant on sait que le premier film n’est pas souvent le plus réussi par manque de moyens mais il reste que pendant 1h30, c’est l’artificialité qui domine sur l’écran. L’histoire n’a pas d’ancrage temporel ni spatial pour donner un aspect universel au récit ; mais bon sang, que ça manque de chair et d’incarnation. Le parti pris de la caméra à l’épaule comme pour capturer chacune des émotions des personnages du film est un procédé daté et in fine inefficace. A l’argument du manque de moyens comme seule réponse à l’utilisation de ce procédé cinématographique, Hu Bo oppose en 2019 avec An Elephant Sitting Still et son budget ridicule un film flamboyant d’intelligence et de profondeur. 

L’errance de Tommy, Steve et O’Neill est le prétexte aux interrogations métaphysiques. Avec la même finesse que le bricoleur du dimanche allant de rayon en rayon dans son magasin Leroy-Merlin, la bande des trois garçons va d’évènements heureux en rencontres malheureuses, balayant ainsi de façon très racoleuse l’éducation sentimentale et la quête d’identité des jeunes américains déambulant sous couvert d’une « grammaire » cinématographique grossière. La musique de ce film est histrionique, les interprétations sont hyperboliques. On ne voit absolument rien car tout est filmé la nuit avec une utilisation vieillotte des lumières naturelles. Les seuls moments de respiration sont les rares pauses où la caméra cesse de faire son numéro de démonstration publicitaire et accepte enfin de se calmer pour donner un peu d’existence à ce qu’elle filme. Mais sur 1h30 de film, c’est environ 10 minutes de plans qui sont concernés. 

L’abstraction à des fins universelles est un moyen efficace d’identification du spectateur dans la mesure où les personnages qui nous sont projetés incarnent quelque chose un minimum. Pour un premier film, Richey a choisi le thème d’un apprentissage nocturne. Quelle belle mise en abîme car l’apprentissage et la maîtrise sont précisément ce qui manque cruellement à cette œuvre. Quel dommage pour un premier film. On sait au moins que le prochain sera forcément meilleur.

Omer Gourry

Top – AfterSun by Charlotte Wells

Si vous pouviez regarder de près votre passé, que feriez-vous différemment ?

Voilà la question à laquelle Charlotte Wells tente de répondre à travers ce film.

Nous sommes au festival de Deauville, il est 10h du matin, les lumières s’éteignent. La réalisatrice n’a malheureusement pas pu se déplacer pour le festival et a donc préparé une vidéo destinée au public afin d’expliquer son film. Charlotte l’annonce, c’est un film extrêmement personnel, qui a toujours été en elle. La vidéo disparaît, le générique commence.

Les bases ont été posées: nous allons assister à un film cathartique. 

A la fin des années 90, Sophie, 11 ans, retrouve son père Calum pour des vacances en Turquie. Tout est planifié pour qu’elles se passent bien. Et c’est le cas, Calum prend soin de son unique enfant. Tout en douceur, la relation père/fille nous est montrée par de petits gestes d’attention de la part de Paul Mescal, comme veiller à ce qu’elle mette de la crème solaire régulièrement. Lorsqu’il est avec sa fille, il est au meilleur de lui-même et semble avoir un objectif. Au fur et à mesure, on comprend qu’il ne vit que pour elle et cette réalité en devient frappante : le jour où elle n’aura plus besoin de lui, que deviendra-t-il ?

De temps en temps, nous faisons un bon dans le présent et retrouvons Sophie qui regarde les vidéos prises avec son père cet été là. Elle cherche alors à comprendre avec un regard d’adulte la peine qui animait son père et qu’elle n’a jamais su déceler à cette époque. Pourtant, comment à seulement 11 ans pouvons-nous comprendre les problèmes de nos parents alors qu’ils sont censés être des figures intouchables ?

Charlotte Wells nous offre un magnifique premier film. Il est doux mais accrochez vous, car à la fin de la séance, s’il a marché sur vous, vous serez tout secoué et aurez envie de prendre la réalisatrice dans vos bras.

Louizon Pertriaux

Flop – Body parts : un documentaire “dénonciateur” mou et décomposé

Retracer l’évolution de la représentation du sexe à l’écran et dévoiler la réalité dérangeante cachée derrière les scènes iconiques de l’histoire du cinéma, voici les objectifs de Body parts de Kristy Guevara-Flanagan. En faisant cela, le documentaire cherche à donner un coup de pied dans la fourmilière misogyne d’Hollywood. Pari réussi ou manqué ? Je ne saurais dire. Il n’en reste pas moins que le visionnage de celui-ci vous laissera perplexe…

Séries, blockbusters, anciens ou récents, classiques ou films méconnus, même le métier de coordinateur.ice.s d’intimité, tout semble passer au travers de l’œil ou plutôt de la voix off du documentaire. Elle nous immerge dans les dessous du cinéma qui a abusé et abuse toujours du corps et des systèmes de pensée des femmes. Mais à vouloir tout évoquer, tout montrer, rien ne finit par l’être ici. Les témoignages et les images ne servent pas, ou très mal, le déroulement des idées de la réalisatrice ; le sujet du film est comme noyé.

Le.a spectateur.rice est perdu.e entre la diffusion de scènes de films tournées dans la violence, la subordination et les dénonciations de différent.e.s acteur.ice.s. On est confus.e.s par la succession de sujets, de thèmes abordés les uns après les autres. Et on se retrouve dans l’incapacité de tisser des liens entre “tout ça”, ces témoignages d’actrices évoquant leur évolution dans le milieu du cinéma, d’autres parlant de violences subies devant et derrière la caméra, l’invitation à la remise en question de la glorification de certains acteurs et réalisateurs, la mise en avant de nouveaux corps de métiers visant une meilleure communication entre les acteur.ice.s et réalisateur.ice.s…toutes ces informations nous sont envoyées au visage sans transition.

Il y a tellement de choses à dire, et le film veut tellement parler de toutes les multiples facettes du problème (de la manipulation et l’exploitation des femmes dans le milieu du cinéma et plus spécifiquement dans les scènes de sexe), qu’en les évoquant il ne critique plus mais se contente seulement d’énumèrer. Pire encore, il montre aux spectateur.rice.s ces images dites “iconiques” du cinéma, celles qu’il s’évertue pourtant de dénoncer. Il continue alors de visibiliser des scènes qui sont des preuves directes de la violence d’Hollywood et de réalisateurs envers les actrices. Il ne les supprime pas de notre imaginaire mais les diffuse de nouveau. N’est-ce pas un peu bancal et contre productif de perpétuer l’existence de scènes de violence alors même que notre objectif premier est de les supprimer de nos manières de voir et penser le cinéma ?

Objectifs alors non atteints pour ce documentaire malheureusement inachevé, n’allant pas au bout de sa pensée et peinant à raconter les sujets qui le constituent pourtant, et dont on ressortira forcément frustré.e et désarmé.e.

Emma Revillet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *