Ma nuit, en salles depuis le 9 mars 2022, est réalisé par Antoinette Boulat qui, directrice de casting émérite, est passée pour la première fois derrière la caméra. Pari réussi ! La force de ce film est sans aucun doute assurée par son casting jeune et prometteur : Lou Lampros et Tom Mercier, étoiles montantes du cinéma. On retient aussi la brève apparition d’Emmanuelle Bercot, très convaincante dans le rôle d’une mère endeuillée et dans le déni.

Simple et poétique, le titre parle de lui-même. Ma nuit, c’est celle de Marion, 18 ans et à jamais hantée par la mort de sa sœur survenue il y a 5 ans. Une nuit sous le signe du bouleversement, de l’amour et de l’espoir. Le film aborde avec justesse la question du deuil, de son rejet et de la résilience.

« Mais encore ? » me direz-vous.

Été, Paris, nuit déserte, ferveur adolescente, ivresse, solitude, désirs inavoués, peurs, rires… autant de mots qui caractérisent Ma nuit. On l’a compris, le premier film d’Antoinette Boulat se présente comme une ode au spleen de la jeunesse ! Alors que sa mère essaie de s’accrocher aux souvenirs de sa fille défunte, dans la tête de Marion tout fout le camp. En perte de repères depuis la mort de sa sœur, cette dernière entretient des relations conflictuelles avec sa mère. Amputée d’un être cher, elle lui en veut. Elle en veut au monde entier. « Et perdre sa sœur c’est comment ? » lance-t-elle désinvolte. Alors après une énième dispute et à l’occasion des 5 ans de la disparition de sa sœur, Marion claque la porte et s’en va. Injoignable, elle découvre un Paris nocturne. Anonyme, elle s’enfonce dans une solitude réconfortante.

Si Ma nuit ne résiste pas aux clichés et donne platement à voir, durant ses 30 premières minutes, une jeunesse parisienne désillusionnée et en quête d’ivresse, le film pointe surtout du doigt un mal générationnel qui est celui d’une jeunesse n’ayant plus foi en l’avenir. C’est ainsi que Marion, pourtant fuyante et sans grande conviction, se laisse entraîner dans une fête sous un hangar vibrant au rythme de la musique électronique. Secrète et nonchalante, elle n’arrive pas à se raccrocher à des choses de son âge. Elle reste muette et dit prendre sur elle. Partout, tout le temps. Le portrait de cette jeune femme à l’insouciance arrachée par le fantôme de la mort captive autant qu’il laisse un goût amer.

Il faudra attendre la rencontre entre Marion et Alex pour découvrir la beauté cachée du film. Ma Nuit donne alors à voir une douce nostalgie entre deux êtres en quête de sens qui cherchent à s’échapper de la banalité du quotidien. Tout l’enjeu du film repose alors sur leurs échanges et autres considérations existentielles. C’était un pari risqué mais, plus bavard que Marion et plein de spontanéité, Alex parvient à rompre sa solitude et la pousse à se révéler. Lou Lampros interprète alors avec justesse l’antagonisme chez la jeunesse contemporaine dont le cœur balance entre mélancolie et soif de vivre. Les sentiments de la jeune femme de 18 ans sont vifs, pluriels et s’entrechoquent au rythme de ses pas foulant la nuit d’un Paris désert et intrigant, des quais de Seine du centre aux quartiers nord de la capitale. Frayeurs et excitation se mêlent tandis que ses conversations avec Alex, tout autant que leurs silences, brisent la quiétude de la nuit. Tel un ange gardien, Alex accompagne Marion jusqu’au bout de la nuit, de sa nuit.

   Anna Clédière

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